Afghanistan : Des progrès « tangibles » mais « fragiles » et « réversibles »

Le dernier rapport semestriel du Pentagone concernant l’évolution de la situation en Afghanistan sur la période allant d’octobre 2010 à mars 2011 fait état de progrès « tangibles » mais reste toutefois prudent.

A l’automne dernier, la situation afghane décrite par le Pentagone était contrastée, avec des gains inégaux obtenus dans les différentes provinces du pays. Par ailleurs, les auteurs de la précédente étude avaient noté que « malgré une pression accrue », l’insurrection avait pu « conserver » ses « capacités logistiques et préserver son commandement ».

Cette fois, il semblerait donc que la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), sous commandement de l’Otan, et l’armée nationale afghane aient réussi à entraver la chaîne logistique des insurgés dans des régions clés. Selon le rapport rendu public le 29 avril, le nombre de cache d’armes découvertes et neutralisées n’a ainsi jamais été aussi important.

D’une manière générale, le document note que les insurgés ont été mis sous pression dans de nombreuses zones grâce à des raids ciblés, à l’action des forces spéciales, à la planification d’opérations, au dispositif de réhabilitation mis en place par le gouvernement afghan et par les programmes de défense locale, tels que l’Afghan Local Police (ALP) et le Village Stability Operation (USO).

Face à cela, les rebelles, et plus particulièrement ceux du mouvement taleb, qui n’ont pas changé leurs objectifs, lesquels restent le contrôle de la population et l’extension de leur influence, livrent une guerre de propagande consistant à discréditer les autorités afghanes, à affirmer que leur retour au pouvoir est inévitable et que le retrait des forces de l’Otan est imminent. Parallèlement, ils commettent des assassinats ciblés de responsables locaux dans le but de démontrer que la sécurité est précaire. Comme le note le rapport, ces actions, qui s’ajoutent à celles menées contre les unités de l’ALP et des VSO, se révèlent contre-productives car elles ont l’effet inverse à celui recherché.

Au niveau de la violence, les incidents de sécurité sont plus élevés par rapport à la période d’octobre 2009 à mars 2010. Les attaques d’insurgés représentent 70% de ce total, contre 75% lors de l’étude précédente. La région la plus touchée est celle du Sud-Ouest (Helmand, Nimroz) avec 8.000 cas, suivie par celle de l’Est (4.800) et du Sud (4.000), bastion traditionnel des taliban et où les efforts de la coalition ont été importants l’an passé.

Le principal mode d’action des insurgés est la pose d’engins explosifs improvisés (IED), qui reste encore à un niveau élevé. Pour le Pentagone, cela suggère que les opérations de l’ISAF et des forces de sécurité afghanes ont « érodé » la capacité des rebelles « à conduire des attaques directes », c’est à dire des embuscades. Cela étant, 60% de ces bombes artisanales ont été découvertes et neutralisées, grâce aux efforts accomplis ces dernières années contre cette menace.

Pour le Pentagone, « les progrès enregistrés en Afghanistan restent fragiles et réversibles, mais l’élan généré au cours des six derniers mois a mis en place les conditions nécessaires pour le début de la transition des responsabilités de sécurité aux forces afghanes dans 7 régions cet été ».

L’objectif étant de pouvoir passer le relais aux forces de sécurité afghanes d’ici à 2014, comme annoncé lors du dernier sommet de l’Otan à Lisbonne, en novembre dernier, l’un des points essentiels est la formation de soldats et de policiers afghans. Et là, il subsiste encore des difficultés.

Même si le niveau des effectifs des forces de sécurité afghanes est en avance par rapport aux objectifs, il n’en reste pas moins qu’il y a encore quelques points noirs. A commencer par le manque d’instructeurs

Tout d’abord, le rapport note qu’il manque des formateurs : il en faudrait deux fois plus. Les membres de la coalition, dont le Canada et les Pays-Bas, qui ont retiré leurs forces de combat (ou vont le faire), ont prévu d’envoyer 667 formateurs. Mais cela reste encore insuffisant puisqu’il en manquerait encore 740. Il s’agit de former aussi des soldats spécialisés et non plus seulement des fantassins.

Autre donnée qui laisse à réfléchir : pour 10 nouvelles recrues, 6 soldats ou policiers afghans quittent l’uniforme. Le taux de désertion reste donc encore trop élevé. Et encore, il n’est pas question de la fiabilité de certains d’entre eux, un commandant de l’ANA ayant confié récemment au Figaro qu’il était sûr de seulement 4 hommes sur 10.

Par ailleurs, les capacités des forces afghanes restent limitées, un trop grand nombre d’unités de l’ANA ayant besoin encore d’un soutien de l’ISAF, notamment dans le domaine de la logistique. Et si elles sont jugées « efficaces », c’est parce qu’elles sont conseillées par des OMLT (ndlr, Operational Mentoring Liaison Team, équipe d’insutructeurs) ou appuyées par les troupes de la coalition.

Un autre bémol apporté par le rapport est le fait les « progrès en matière de gouvernance et de développement ont été plus lents que les gains de sécurité » au cours de la période de l’étude. Cela étant, le Pentagone estime qu’il y a eu des améliorations notables, en particulier dans le Sud et le Sud-Ouest.

« Le gouvernement afghan doit relever d’importants défis politiques (…) ce qui pourrait menacer les progrès accomplis au cours des 6 derniers mois » s’inquiète, toutefois, les auteurs du rapport. « La corruption et les réseaux criminels continuent de miner les institutions de l’Etat et les allégations de fraude électorale en septembre 2010 et les retards de l’investiture du Parlement nouvellement élu (…) ont sapé la légitimité » ajoutent-ils.

Quoi qu’il en soit, les six prochains mois seront déterminants pour la suite, d’autant plus que les taliban ont annoncé pour le 1er mai le début de leur offensive du printemps, appelée Badr (référence à la première victoire militaire musulmane). Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a quant à lui parlé de « tournant décisif ». L’enjeu est donc de consolider les gains sur le terrain en empêchant les insurgés à reprendre les zones dont ils ont perdu le contrôle.

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