Défense antimissile : La coopération Otan/Russie patine

L’armée américaine a procédé, le 15 avril et avec succès, à l’essai « le plus ambitieux » de son système de défense antimissile. Un missile balistique de moyenne portée a ainsi été lancé depuis un site localisé dans les îles Marshall. Il a ensuite été suivi par un radar AN/TPY-2X-band depuis la terre ainsi que par des satellites et sa trajectoire a été communiquée au C2BMC (Command, Control, Battle Management and Communications, lequel a transmis ces informations au destroyer AEGIS USS O’Kane, qui naviguait vers Hawaï.

Le bâtiment de l’US Navy a tiré à son tour un missile intercepteur SM-3 Block IA. Et ce dernier a donc détruit sa cible plus de 11 minutes après son lancement depuis les îles Marshall.  »

Selon les premières indications, tous les composants se sont comportés comme prévu » a indiqué la Missile Defense Agency (MDA), par voie de communiqué. « Les deux satellites de localisation et de surveillance dans l’espace (STSS), déployé par la MDA ont repéré le missile et l’ont suivi de sa ‘naissance’ à sa ‘mort' », a encore expliqué l’agence américaine.

Cet essai, qui est le 21ème réussi, sur 25 tentatives concernant le système Aegis BMD, marque une nouvelle étape et démontre « la capacité de la première phase de l’approche européenne antimissile » annoncée par le président Obama.

Justement, le nouveau concept stratégique de l’Otan, adopté à Lisbonne en novembre 2010, fait de la défense antimissile « un des éléments centraux » de la défense collective des Etats membres de l’Alliance atlantique. Et bien évidemment, la participation américaine y est déterminante.

Toujours à Lisbonne, et afin de répondre à l’opposition russe au sujet de la mise en place d’une telle défense antimissile, dont le dispositif a été revu en septembre 2009 par rapport aux plans initiaux, il a été décidé d’y associer Moscou, qui y a répondu favorablement, tout en y mettant quelques réserves.

Pour l’Otan, l’idée est d’établir une coopération avec la Russie basée sur l’échange d’informations et la mise en place de procédures d’alertes mutuelles. Mais Moscou envisage une collaboration encore plus poussée, en proposant la prise en charge, par exemple, d’éventuels missiles allant vers l’Europe et passant par son territoire.

« Dans les dix ans à venir, nous avons le choix : soit nous nous mettons d’accord sur la défense antimissile et nous créons un vrai mécanisme de collaboration, soit si nous n’arrivons pas à trouver un accord constructif, il y aura une nouvelle spirale de course aux armements » avait prévenu le président russe, Dmitri Medvedev, à l’occasion de son discours à la nation, le 30 novembre dernier. Et en cas d’échec des discussions, il avait menacé de « prendre une décision sur le déploiement de nouvelles forces de frappe ».

Aux Etats-Unis, l’idée d’une coopération avec la Russie dans le domaine de la défense antimissile fait grincer quelques dents. La crainte, exprimée cette semaine par un groupe d’élus républicains au Congrès, est que Moscou ait accès à des données sensibles concernant la défense américaine. Dans une lettre adressée au président Obama, ils ont demandé la garantie qu’aucune information sensible concernant « l’alerte rapide, la détection, le suivi, le ciblage, les données de télémétrie » ou encore la technologie employée ne soient communiquée aux Russes.

Il revient au Conseil Otan-Russie (COR) de préparer, d’ici juin 2011, une analyse conjointe « d’un futur cadre de coopération sur le bouclier antimissile ». La question a été abordée, le 15 avril, par cette instance. Et manifestement, les discussions ont du mal à progresser.

« Pour le moment, il n’y a pas de progrès visibles dans le travail sur la défense antimissile européenne » a fait savoir Dmitri Rogozine, le représentant russe auprès de l’Otan, à l’issue d’une réunion du COR à Bruxelles. Selon ce dernier, la Russie n’a toujours pas obtenu la garantie que le bouclier antimissile de l’Alliance atlantique ne serait pas dirigé contre son potentiel stratégique. Cela a été toujours la principale préoccupation de Moscou dans cette affaire…

« Lors de la création du système antimissile en Europe, il faudra se mettre d’accord sur tous les paramètres techniques, géographiques et autres pour pouvoir garantir qu’aucun des composants de ce système ne sera orienté contre aucun Etat membre du Conseil Otan-Russie » a pour sa part indiqué Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe.

Photo : Lancement du missile intercepteur SM-3 Block IA depuis l’USS O’Kane (c) MDA

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