La réforme de la garde à vue va compliquer la tâche des gendarmes

Parce que son application a été jugée non conforme aux règles européennes par la Cour de cassation, la procédure de garde à vue a fait l’objet d’un projet de loi censé la réformer. Ce dernier a été définitivement adopté par le Parlement, après un ultime vote de l’Assemblée nationale, le 12 avril.

L’un des objectifs affichés est de réduire le nombre de gardes à vue à 500.000 par an (contre 800.000 actuellement). A cette fin, cette procédure ne sera désormais réservée que lorsque un individu est suspecté d’avoir « commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ». Elle pourra être prolongée de 24 heures uniquement si la peine encourue est d’au moins d’un an de prison et si le procureur de la République l’autorise, après « présentation de la personne (soupçonnée) ».

Cependant, d’autres aspects de cette réforme inquiétent les policiers et les gendarmes, au point que leur ministre de tutelle, Claude Guéant, s’en est ému auprès du Premier ministre par courrier. Le point qui pose problème porte sur la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue, laquelle est prévue par la réforme.

A ce sujet, Claude Guéant a estimé « probable » que certains avocats puissent adopter « une stratégie de défense consistant à poser des questions », ce qui serait de nature à causer des « incidents » et à perturber l’audition « sans que l’enquêteur ne dispose de moyens pour encadrer son bon déroulement ».

Le ministre de l’Intérieur a également mis en avant la question « de la gestion par l’enquêteur des conflits d’intérêts entre un avocat désigné par plusieurs personnes gardées à vue au cours d’une même enquête ».

D’une manière générale, les syndicats de policiers redoutent que la présence d’un avocat nuise à l’efficacité de leurs enquêtes et estiment que cette réforme est déséquilibrée puisqu’elle renforce les droits de la défense sans donner de contreparties aux forces de l’ordre.

Par ailleurs, les policiers estiment que leurs locaux ne sont pas adaptés pour accueillir, en permanence des avocats. Bien évidemment, ce qui est valable pour la police l’est aussi pour la gendarmerie.

Sauf que les gendarmes auront à gérer une complication supplémentaire. Etant donné que les brigades de gendarmerie sont implantées dans leur grande majorité en milieu rural, il sera difficile de trouver un avocat, sans qui l’audition d’un suspect ne pourra pas commencer.

Cette question a d’ailleurs été évoquée lors de l’audition du Directeur général de la Gendarmerie nationale (DGGN), le général Jacques Mignaux, lors d’une audition, en octore 2010, devant la commission de la Défense et des Forces armées de l’Assemblée nationale.

« La réforme de la garde à vue nous préoccupe; nous avons d’ailleurs été associés aux réflexions préalables et je n’ai pas manqué de présenter au Garde des Sceaux les enjeux pour la gendarmerie, en insistant tout particulièrement sur les conséquences en zone rurale. Il sera très compliqué de travailler dans de bonnes conditions si les gendarmes ne peuvent pas faire de garde à vue dans une petite brigade, faute de trouver un avocat à proximité » avait-il alors déclaré.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]