Un projet de loi pour faciliter la mobilisation des réservistes en cas de crise majeure

Cet article est dédié à Roger Avignon, qui nous a quittés dans la nuit du 5 au 6 avril. Maréchal des logis, Roger Avignon avait participé aux combats de Tannay, le 24 mai 1940, avec le 93ème GRDI. Il avait été l’un des 5 cavaliers survivants sur les 47 qui partirent à l’assaut contre un bataillon allemand, conformément aux ordres reçus. Témoin inlassable de cette époque, gardien de la mémoire de ses frères d’armes du 20ème Régiment de Dragons, spécialiste reconnu des blindés (et en particulier des chars B1 B) de la campagne de France, Roger Avignon aura incarné le courage, le sens du devoir et la fidélité.

En décembre 2010, les sénateurs Michel Boutant (PS) et Joëlle Garriaud-Maylam (UMP) ont rendu un rapport d’enquête au sujet de l’emploi des réserves civiles et militaires dans le cas d’une catastrophe majeure qui surviendrait en France.

La réserve militaire, en comptant les effectifs de la gendarmerie, compte plus de 60.000 volontaires. Elle est complétée par celle de la police (4.000 militaires hommes), ainsi que par la « réserve sanitaire », composée par des professionnels de santé retraités ou encore étudiants, les « réserves communales de sécurité civile » (2.100 bénévoles) et par la « réserve pénitentiaire », en cours de formation.

Les risques envisagés par les rédacteurs du rapport vont de l’agression militaire, à l’attaque terroriste de grande ampleur, en passant pas une catastrophe naturelle ou encore une pandémie.

Pour ce qui concerne le volet militaire, le contrat opérationnel des forces armées prévoit la possibilité de déployer 30.000 hommes, 70 avions et d’importants moyens navals sur un théâtre d’opérations extérieures, avec une capacité d’intervention d’urgence de 5.000 militaires. Pour les opérations sur le territoire national, 10.000 soldats sont prévus.

Dans le cas d’un scénario dit H3, c’est à dire qui prévoit le pire des cas, avec un engagement simultané à l’extérieur et à l’intérieur des frontères, les armées auront obligatoirement recours à leurs réservistes.

Mais sans aller jusqu’à cette hypothèse, le rôle de la réserve reste essentiel dans le cas d’une catastrophe aux conséquences limitées. En effet, dans un premiers temps, les pouvoirs publics comptent surtout sur les forces d’active. Toutefois, les deux parlementaires ont noté que les états-majors interarmées des zones de défense et de sécurité sont composés, en cas de crise, de 75% de réservistes rapidement disponibles.

En outre, les auteurs du rapport ont indiqué que les réservistes « pourraient jouer, dans un deuxième temps, un rôle important pour s’inscrire dans la durée et permettre la relève des effectifs, soit en participant directement aux opérations, soit en renmplaçant des militaires d’active dans le fonctionnement des affaires courantes ».

Cela étant, et bien qu’ils ont jugé que « la contribution des réserves à la gestion des crises passées d’ampleur limitée avait été satisfaisante », laquelle repose « largement sur l’utilisation et la fidélisation d’un nombre restreint de réservistes particulièrement motivés, entraînés tout au long de l’année et disponibles », les deux parlementaires ont émis des doutes quant à la capacité du dispositif actuel à faire face à une « crise d’une ampleur beaucoup plus importante » pour plusieurs 5 raisons.

Tout d’abord, les deux sénateurs estiment que les effectifs des réservistes sont « théoriques ». En effet, les 60.000 volontaires servant sous ESR et les 90.000 anciens militaires ayant une obligation de diponibilité pendant 5 ans après leur départ de l’intitution ne font pas nécessairement la réserve de 150.000 hommes annoncés.

« Ces chiffres se recoupent et ne s’adiditionnent pas » souligne le rapport, qui précise qu’une partie des réservistes sous ESR sont aussi des anciens militaires en disponibilité. Et pour ces derniers, ‘il n’y a ni suivi systématique des coordonnées », « ni plan d’emploi les concernant ».

Autre motif de doute, qui rejoint le premier : « la disponibilité réelle de l’ensemble des réservistes n’est pas vérifiée ». Et le rapport explique que « la multiplication des filières, avec la réserve des armées, de la gendarmerie, de la police, fait craindre que les mêmes personnes soient recensées plusieurs fois ».

Les deux parlementaires ont également estimé insuffisante la réactivité des réservistes en cas de crise. Là, ce sont les procédures de mobilisation qui sont pointées du doigt. Par exemple, un réserviste doit donner un préavis d’un mois à son employeur pour le prévenir d’une absence liée à ses activités dans la réserve. Et ce dernier a la possibilité de refuser de le libérer. D’où le constat : « la réserve n’est pas aujourd’hui conçue et pensée comme un outil de réponse aux situations de crise ».

Enfin, le rapport note que l’absence de doctrine d’emploi des réservistes en cas de crise et d’exercice d’entraînement.

Aussi, les deux sénateurs ont dépose un projet de loi, en décembre 2010, visant « à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure » dont « l’ampleur met en péril la continuité des services de l’Etat, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation ».

Ce texte doit doter les forces armées et les administrations concernées de moyens juridiques pour mobiliser leurs réserves plus rapidement et pour une période plus longue que celle actuellement autorisée, uniquement dans le cas d’une catastrophe majeure. Dans ces circonstances, le Premier ministre peut, par décret, avoir recours à cette « procédure exceptionnelle de mobilisation de la réserve de sécurité nationale ».

Le projet de loi offre une protection juridique aux réservistes, ainsi que la possibilité d’opposer à leur employeur un « cas de force majeure » pour rejoindre leur affectation. De toute manière, le texte prévoit des amendes si un réserviste ne répond pas à une convocation émise par l’autorité au sein de laquelle il s’est engagé à servir.

Ce texte a été adopté, le 30 mars, par le Sénat, en première lecture à l’unanimité (moins l’abstention du groupe communiste/Parti de gauche). Il doit être maintenant examiné et approuvé par l’Assemblée nationale.

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