Avec des si, il y aura peut-être une intervention militaire contre Kadhafi

Le temps joue en faveur du colonel Kadhafi. Pendant que les troupes qui lui sont restées loyales regagnent progressivement le terrain perdu face aux mouvement rebelles partis de l’est de la Libye, la communauté internationale n’en finit pas de s’interroger sur la conduite à tenir, tout en souhaitant le départ du pouvoir du chef d’Etat libyen.

Ainsi, le président américain, Barack Obama s’est dit « préoccupé », le 11 mars, par la capacité du colonal Kadhafi à se maintenir au pouvoir tout en mettant en garde contre le risque d’un massacre des opposants. « Les Etats-Unis et la communauté internationale ont l’obligation de faire ce qu’ils peuvent pour empêcher la répétition de ce qui s’est passé dans les Balkans dans les années 1990, de ce qui s’est passé au Rwanda » a-t-il déclaré.

Et de rappeler, une nouvelle fois, que « toutes les options » sont sur la table et que son administration travaille à mettre en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye. Un plan allant dans ce sens sera présenté par l’Otan le 15 mars.

Cependant, pour les Etats-Unis, les priorités sont ailleurs, comme l’a rappelé Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, qui ne voudrait pas consacrer trop de moyens à l’instauration d’une no fly zone en Libye au détriment des opérations en cours en Afghanistan et de la surveillance d’autres foyers de tensions, comme par exemple au Yémen.

Du côté du Vieux Continent, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne, réunis au sommet de Bruxelles du 11 mars, se sont mis d’accord pour voir le colonel Kadhafi « quitter le pouvoir immédiatement » et à reconnaître le Conseil national de transition libyen comme interlocuteur politique tout en restant ouvert à d’autres mouvement d’opposition.

Et comme aux Etats-Unis, le conseil européen a exprimé « sa profonde inquiétude » au sujet des attaques contre les civils et indiqué examiner « toutes les options nécessaires » s’il se présente un « besoin démontrable » de recourir à la force contre le régime du colonel Kadhafi.

Quant à la proposition française de mener des frappes ciblées contre des objectifs militaires, les dirigeants européens se sont montrés une fois de plus divisés, même si le président Sarkozy a posé plusieurs conditions avant d’en arriver à cette éventualité.

Ainsi, l’hôte de l’Elysée a précisé que le recours à des frappes serait envisageable dans le cas « d’une agression massive, par des moyens militaires contre des populations pacifiques et désarmées ». Pour cela, la France et la Grande-Bretagne se sont dits « disponibles », à la « condition expresse que les Nations unies le souhaitent, que la Ligue arabe l’accepte et que les autorités libyennes que nous souhaitons voir reconnues le désirent, pour des actions purement défensives, au seul cas où Kadhafi ferait usage d’armes chimiques ou de l’aviation contrre des populations qui manifestent sans violence ».

Seulement, même avec ces conditions mises par le président français, de nombreux pays de l’UE traînent des pieds, allant même jusqu’à refuser un soutien européen à la planification actuellement en cours au sein de l’Otan pour instaurer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, de crainte d’être entraînés dans un engrenage militaire. « Que ferons-nous si ça ne fonctionne pas? Nous irons avec des troupes terrestres? » a demandé Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères.

Quoi qu’il en soit, pour toute action militaire, il faut avoir une autorisation donnée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui est loin d’être gagné en raison de l’opposition de deux de ses membres, à savoir la Russie et la Chine, qui s’opposent à toutes interventions étrangères dans les affaires internes de la Libye.

En attendant, toutes ces gesticulations diplomatiques n’aident pas à un règlement rapide de la situation en Libye. L’une des conséquences de la guerre civile qui y a lieu est la tension sur les prix du pétrole. La production libyenne d’or noir est passée de 1,69 millions de barils par jour, exportés à 85% vers l’Europe, à seulement 200.000 barils/jour. Cette flambée des prix n’aident évidemment pas les économies occidentales qui se remettent à peine de la crise financière de 2008.

Au-delà de cet aspect énergétique, il se pose la question de l’immigration en Europe. « Si on veut que les révolutions arabes ne provoquent pas de peurs, il faut qu’avec franchise nous parlions des flux migratoires (…) On peut considérer qu’il à 200.000 personnes déplacées entre l’Egypte, la Libye et la Tunisie. Si on ne traite pas l’accueil de ces personnes déplacées, dans des conditions humaines et décentes, qu’elle vca être leur tentation : elles n’auront pas d’autre choix que de traverser la Méditerranée » a prévenu le président Sarkozy, à Bruxelle. « Nous ne pouvons pas les accueillir dans ces conditions-là. Donc, il faut organiser des zones humanitaires » a-t-il ajouté.

Enfin, autre risque possible : celle du terrorisme. Sans tomber dans la paranoïa du colonel Kadhafi qui voit des membres d’al-Qaïda partout, les organisations terroristes pourraient profiter du chaos ambiant pour réaliser de « bonnes affaires », notamment en se procurant à moindre coût des armes prises dans les arsenaux de l’armée libyenne tombés aux mains des insurgés, notamment les fameux missile anti-aériens Manpad SA-7, qui sont l’équivalent russe du Stinger américain.

Et pour Dominique Thomas, spécialiste de l’islamisme radical à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), et dont les propos ont été rapportés par l’AFP, « ce qui se passe en Egypte, en Libye et encore davatange au Yémen permet la constitution de réservoirs de militaires, d’armes et la préparation éventuelle d’attaques ». Ce constat est partagé par le cabinet d’analyse stratégique américain Stratfor, pour lequel le conflit libyen « pourrait offrir aux jihadistes plus de liberté de manoeuve qu’ils n’en ont eu depuis des années ».

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