Le précédent de Ouadi-Doum

Le directeur du renseignement américain, James Clapper, a mis en garde contre le potentiel de la Libye en matière de défense anti-aérienne au cours d’une audition devant le Sénat, ce 10 mars.

« La structure de la défense anti-aérienne libyenne au sol, avec leurs radars et leurs missiles anti-aériens, est assez importante. C’est la plus importante au Moyen-Orient après celle de l’Egypte » a-t-il ainsi affirmé. Sans trop entrer dans les détails, la Libye dispose de 31 sites de défense aérienne répartis notamment dans les zones les plus peuplées du pays. Le matériel mis en oeuvre, dont une partie est tombée aux mains de l’opposition au colonel Kadhafi, est relativement ancien et date de l’époque soviétique.

Aussi, si l’idée du président Sarkozy de réaliser des frappes ciblées en Libye finit par convaincre la communauté internationale – ce qui est encore loin d’être le cas – les avions impliqués auront à faire face à une importante menace venue du sol. Et cette dernière est bien connue de l’armée de l’Air française puisqu’elle l’avait déjouée en février 1986, lors du raid sur l’aérodrome de Ouadi-Doum.

Bien que situé dans le nord du Tchad, ce dernier avait été construit par les Libyens qui comptaient en faire une plaque tournante pour leurs forces, lesquelles soutenaient le rebelle tchadien Goukouni Oueddeï, en lutte contre Hissène Habre, alors président en fonction à N’Djamena.

La piste de Ouadi Doum était longue de 3.800 mètres pour 30 de large. Le périmètre défensif de la base s’étendait sur plusieurs dizaines de kilomètres, avec 31 postes de combat. La défense aérienne était assurée par des missiles sol-air SA6 « Gainful », des mitrailleuses de 14,5 mm et des canons ZSU-23-4 « Shilka » de 23 mm.

L’aménagement de l’aérodrome d’Ouadi Doum en site militaire était une violation de l’accord passé en septembre 1981 entre la France et la Libye, en vertu duquel les deux parties s’étaient engagées à retirer leurs forces du Tchad. Aussi, le gouvernement français, averti de ce qu’il se tramait dans le nord du Tchad grâce à des reconnaissances effectuées par un Mirage IV, décida alors de frapper un grand coup et de détruire la base libyenne.

Pour cela, l’armée de l’Air disposait d’une quinzaine de Jaguar des 7ème et 11ème escadres de chasse déployés à Bangui, Libreville et Dakar ainsi que deux avions ravitailleurs C135. L’aéronautique navale pouvait alors fournir deux Breguet Atlantic, alors basés au Gabon.

Le 15 février 1986, l’ordre fut d’attaquer Ouadi Doum fut donné dans la soirée. Le lendemain, à l’aube, les Jaguar de l’escadron de chasse 1/11 Roussillon, épaulés par des Mirage F1C chargés de leur protection, décollèrent de Bangui, avec un seul réservoir auxiliaire de 1.200 litres sous leur fuselage pour les 1.500 km à parcourir, d’où la nécessité des C135FR.

Pour leur mission, les Jaguar emportèrent des bombes anti-pistes BAP 100 – pouvant pénétrer jusqu’à 1 mètres dans le sol – et des bombes classiques de 250 kg. Après avoir ravitaillé en vol une première fois, les 11 appareils arrivèrent non loin de la zone d’acquisition des radars hostiles peu avant 8 heures du matin.

Dès ce moment, les Jaguar évoluèrent à très basse altitude pour ne pas se faire repérer par les Libyens. Finalement, ces derniers ne virent rien venir. Les avions français, disposés en échelon refusé, déboulèrent sur Ouadi Doum à une vitesse de 700 km/h et larguèrent leurs munitions sans être touchés par les forces libyennes. L’attaque ne dura qu’à peine quelques minutes. Le temps de réaliser ce qui leur arrivait, les appareils du 1/11 Roussillon rejoignaient déjà Bangui.

A noter qu’un second raid sur Ouadi Doum a été mené le 7 janvier 1987, en réponse à une nouvelle provocation libyenne. Finalement, cet aérodrome sera pris quelques mois plus tard par les forces d’Hissene Habre.

Cela étant, les défenses anti-aériennes libyennes restent dangereuses. Ainsi, le 25 janvier 1984, dans la région de Torodum (Tchad), après avoir déjoué des missiles SA-7, un Jaguar piloté par le capitaine Croci avait été touché probablement par le tir d’un ZSU-23-4 libyen. L’officier avait perdu la vie au cours de cet engagement.

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