L’amiral Mullen ne voit pas la main de l’Iran derrière les émeutes à Bahreïn

Les pays du monde arabe actuellement aux prises avec des mouvements de révolte ne présentent pas tous le même profil, même si les motivations de la rue présentent des similitudes. Encore que, avant de s’avancer sur la nature même de ces contestations, encore faudrait-il prendre un peu de recul et voir sur quoi tout cela va déboucher.

Cela étant, le riche royaume de Bahreïn présente des particularités que l’on ne retrouve pas en Egypte, en Tunisie et en Libye. En effet, la population à majorité chiite est gouvernée par le roi Hamad Bin Issa Al Khalifa, qui est l’héritier d’une dynastie sunnite, l’autre grand courant de la religion musulmane.

Autre fait saillant, Bahrein abrite l’état-major de la Ve Flotte américaine, dont la zone de compétence couvre le golfe Persique et l’océan Indien. Autrement dit, elle a un oeil à la fois sur l’Iran ainsi que sur le Pakistan, et, par extension, sur l’Afghanistan.

Bien que le roi de Bahreïn a décidé de donner 2.000 euros à toutes les familles du pays, ce dont il peut se permettre puisque la principale ressource du royaume est le pétrole, libéré des prisonniers chiites soupçonnés d’activités terroristes et offert un dialogue aux dirigeants de l’opposition chiite emmenée par Cheikh Ali Slimane, le mouvement de contestation se poursuit et tend même à se radicaliser.

Ainsi, les principaux oulémas chiites ont appelé, ce 23 février, les protestataires à se mobiliser vendredi prochain pour « pleurer les martyrs » et marcher sur la place de la Perle. Certains d’entre eux ont même affirmé leur volonté d’en finir avec la monarchie, ce qui mettrait un terme aux discriminations dont ils se disent victimes en raison de leur appartenance religieuse.

Et il n’est pas impossible que ce mouvement fasse tâche d’huile dans d’autres monarchies du Golfe, dont la population est constituée par des minorités chiites relativement importantes, comme par exemple en Arabie Saoudite, où elles sont notamment implantées dans la province du Hasa dont le sous-sol contient une grande partie des réserves pétrolières du royaume. D’où la crainte à Ryad, mais aussi parmi les autres pays du Golfe, de voir l’émergence d’un « croissant chiite », sous l’égide de Téhéran.

Aussi, l’amiral Mike Mullen, le chef d’état-major de l’armée américaine, a répondu à la question de savoir si l’Iran est à l’origine des troubles qui agitent actuellement Bahreïn et qui pourraient se propager à d’autres pays de la région, dans lesquels le Pentagone dispose de facilités pour ses troupes.

« Je continue de croire que l’Iran est un pays qui continue à fomenter l’instabilité dans la région , à prendre avantage de chaque opportunité, mais je pense que cela n’a pas été le principal déterminant en Egypte, à Bahreïn ou dans les autres pays » a-t-il ainsi affirmé, le 21 février, à Doha (Qatar), à l’occasion d’une tournée dans le Golfe. Ces manifestations sont « dans l’ensemble dues à des problèmes internes et non à quelque chose de fomenté par une puissance extérieure » a-t-il encore précisé.

L’amiral Mullen n’a pas donné plus de précision sur ce qu’il entendait par « dans l’ensemble » et « le principal déterminant » qui a motivé les contestations dans les pays en proie aux troubles. Si il y a une cause « principale », c’est qu’il doit y en avoir de secondaires… Subtilité pour laisser entendre que le doute est permis sur une éventuelle manoeuvre iranienne?

Cela étant, une chose est certaine : l’agitation dans certains pays arabes sert les intérêts iraniens. Par exemple, Téhéran n’a pas mis longtemps après la chute d’Hosni Moubarak en Egypte pour demander le passage – accordé – de deux de ses navires de guerre par le canal de Suez, ce qui n’était pas arrivé depuis 1979.

Mais l’éventuelle fin de régimes alliés des Etats-Unis dans la région aurait pour conséquence probable le départ des troupes américaines déployées dans le golfe Persique. Et si cela devait arriver, Washington perdrait sa capacité à dissuader l’Iran. La France serait aussi concernée dans le cas de troubles aux Emirats arabes unis (16% de chiites), où elle dispose d’une base militaire.

Pour le moment, l’on n’en est pas encore là. Il reste cependant que « Bahreïn est un terrain d’affrontement par procuration dans la lutte géopolitique plus large entre l’Arabie saoudite, les Etats-Unis et l’Iran », selon l’institut américain Stratfor, spécialisé dans les questions de renseignement.

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