Les attaques de drones sont-elles efficaces?

Les 60 raids menés avec des drones dans les zones tribales pakistanaises, entre janvier 2006 et avril 2009, n’avaient pas affiché un taux de réussite bien fameux : seulement 14 dirigeants d’al-Qaïda avaient été éliminés lors de ces frappes ciblées, dont les dommages collatéraux auraient fait 687 victimes parmi les civils.

Pour autant, le nombre de ce type d’attaques a augmenté de manière significative depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche. En 2010, 118 raids ont ainsi été menés par la CIA, qui met en oeuvre des drones Predator depuis la base de Shamsi, au Pakistan. Bilan : 581 combattants islamistes et 12 responsables terroristes.

Et parmi ces derniers, seulement deux figuraient sur la liste des personnes recherchées par les Etats-Unis, à savoir Sheik Saaed al-Masri, le n°3 d’al-Qaïda et Ahmed Mohammed Ali Hamed, le chef de l’organisation de ben Laden pour les opérations paramilitaires en Afghanistan et par ailleurs impliqué dans les attentats de 1998 ayant visé les ambassades américaines en Afrique de l’Est.

Autrement dit, le nombre de cibles de haute-valeur touchées est quasiment le même en dépit de l’intensification des raids menés par les drones. D’où la question posée par le Washington Post sur l’efficacité de ces attaques dites ciblées, d’autant plus que chacune d’entre elles coûte en moyenne un million de dollars.

Cependant, en octobre 2010, Leon Panetta, le directeur de la CIA, avait confié au Los Angeles Times que les raids des drones avaient « porté un coup sérieux » à al-Qaïda. Et le cadre de ces opérations a été élargi par rapports aux objectifs initiaux définis en 2004, qui étaient effectivement d’éliminer les dirigeants du réseau de ben Laden. Désormais, les raids concernent aussi les réseaux d’insurgés afghans, qui ont trouvé refuge dans les zones tribales pakistanaises sans être inquiétés par Islamabad.

Il ne s’agit donc plus de viser la tête de ces mouvements mais aussi les « pions », identifiés comme tels. Cela permet d’exercer une pression constante sur ces réseaux terroristes, de les désorganiser et de réduire leurs capacités opérationnelles. Comme au jeu d’échecs, le roi qui se retrouve isolé ne peut plus faire grand chose, si ce n’est repousser l’échéance avant d’être mat.

Cependant, et outre les aspects juridiques de ces opérations, si le le nombre de victimes civiles a été divisé par 4 en 6 ans, selon la New America Foundation, ces opérations risquent de provoquer des dommages collatéraux qui alimentent les réseaux terroristes et insurgés en recrues nouvelles ayant le désir de se venger.

D’ailleurs, la presse pakistanaise estime que le nombre de ces dommages collatéraux est beaucoup plus élevé que celui officiellement avancé. Ainsi, en 2010, le quotidien Dawn estimait que 90% des personnes tués par les frappes ciblées étaient civiles. Ce qui rend ces opérations américaines très impopulaires au Pakistan. Elles « minent notre consensus national » avait déclaré le président Asif Ali Zardari. Mais dans le même temps, il s’agissait alors pour ce dernier d’obtenir des drones américains pour que ses forces armées puissent accomplir le travail de la CIA et choisir elles-mêmes ses cibles, qui ne sont pas forcément les mêmes que celles désignées à Washington.

Enfin, un autre aspect négatif des raids réalisés par les Predator relève de l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Eliminer un cadre dirigeant d’un mouvement terroriste peut désorganiser ce dernier pendant le temps qu’un autre le remplace mais cela enlève aussi un moyen d’obtenir des renseignements. La capture de Khaled Cheikh Mohammed a ainsi permis d’en savoir beaucoup plus sur al-Qaïda et les dessous de l’organisation des attentats du 11 septembre 2001.

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