Gaydamak veut porter plaine contre Alain Juppé

Quel est le point commun entre Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani, Arcadi Gaydamak, Pierre Falcone et les deux officiers de l’armée de l’Air – le capitaine Chiffot et le lieutenant Souvignet – fait prisonniers par les miliciens serbes après s’être éjectés de leur Mirage 2000 au-dessus de la Bosnie en août 1995? Réponse : l’Angolagate.

Plus précisément, dans l’un des volet de cette affaire de vente d’armes à l’Angola, dans laquelle les noms de plusieurs personnalités ont été cités, il a été reproché à Charles Pasqua et à Jean-Charles Marchiani de s’être livrés à un trafic d’influence afin de faire décorer Arcadi Gaydamak, un homme d’affaires franco-israélien d’origine russe, de l’Ordre national du Mérite.

Selon la défense de Charles Pasqua, cette récompense a été décernée à Arcadi Gaydamak pour le rôle qu’il aurait tenu dans la libération des deux officiers français prisonniers des miliciens serbes.

Or, pour le juge Philippe Courroye, en charge du dossier, aucun élément n’avait pu être pris en compte pour confirmer cette version. Pire encore : sollicité pour libérer les pilotes français, le général Pierre-Marie Gallois l’avait qualifiée de « bidon ».

« Dans toutes les histoires d’otages où (Jean-Charles Marchiani) s’est attribué un rôle, c’était largement bidon » avait déclaré Jacques Chirac, au journaliste Pierre Péan. Et il ne s’était d’ailleurs pas privé de couler l’ancien préfet. La nomination de ce dernier dans le Var, en 1995, aurait ainsi été « un grand tort » dans la vie de l’ancien président de la République.

C’est ainsi que, à l’automne 2009, Charles Pasqua a été condamné à un an de prison ferme pour trafic d’influence et recel d’abus de biens sociaux. Quant à Jean-Charles Marchiani, il a écopé de 3 ans de prison, dont 21 mois avec sursis, pour les mêmes motifs. Enfin, la peine d’Arcadi Gaydamak, dont le nom est aussi cité dans l’affaire Clearstream, est la plus lourde, avec 6 ans de prison ferme pour « vente illicite d’armes », « abus de biens sociaux, « fraude fiscale », « trafic d’influence actif » et « blanchiment' ».

L’affaire n’en est pas restée là puisque les condamnés ont fait appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris. Bien leur en a pris – du moins, pour le moment – car deux témoignages ont tout remis en cause.

En effet, appelé à la barre, le général (air) Jean-Philippe Douin, ancien chef d’état-major des armées, a confirmé, devant la cour d’appel de Paris, le 16 février, le rôle qu’ont tenu Charles Pasqua et l’ancien préfet du Var dans la libération des deux pilotes français prisonniers en Bosnie.

Estimant pouvoir prendre ses distances avec le secret qui entoure cette affaire, l’ancien CEMA a évoqué la tenue de conseils de défense restreints présidé par Jacques Chirac et dans lequel siégèrent le Premier ministre (Alain Juppé), les ministres de la Défense (Charles Millon) et des Affaires étrangères (Hervé de Charette) et le secrétaire général de l’Elysée (Dominique de Villepin).

« Le président de la République nous a annoncé, lors d’une de ces conseils restreints, avoir dit oui à la proposition de Charles Pasqua de faire intervenir des personnes compétentes pour délivrer les pilotes » a ainsi affirmé le général Douin, contredisant Alain Juppé, qui avait affirmé que cette mission n’avait jamais existé.

Outre « la voie normale et officielle », une autre opération a été « montée par M. Pasqua et des hommes qu’il connaissait » a poursuivi le général, qui a précisé avoir appris que parmi eux se trouvait Jean-Charles Marchiani. Sur la question de savoir pourquoi il n’avait pas dit cela lors de son audition par le juge Courroye, l’ancien CEMA a répondu qu’on ne le lui « avait pas demandé ». Et de présiser : « Cela m’avait beaucoup arrangé à l’époque. Aujourd’hui, j’estime que le secret défense est levé sur cette affaire ».

Autre témoin venu apporter de l’eau au moulin de Charles Pasqua et de Jean-Charles Marchiani : Raymond Nart. Cet ancien directeur adjoint de la DST a confirmé le rôle tenu par Arcadi Gaydamak pour obtenir la libération des deux aviateurs, laquelle a effectivement eu lieu en décembre 1995.

« Gaydamak était un de nos agents depuis longtemps. C’est un homme loyal qui a servi la France » a déclaré Raymond Nart. « La seule personne qui était au courant de tout, et notamment des ragots des RG sur le compte de Gaydamak, c’était moi. Malgré ma demande d’être entendu, le juge Courroye n’a jamais donné suite » a-t-il ajouté.

Aussi, fort de ces révélations, l’homme d’affaires franco-israélien entend bien contre-attaquer. « Je vais déposer plainte contre Alain Juppé pour faux témoignage, un témoignage qui m’a valu cette condamnation à la prison » a affirmé Arcadi Gaydamak, à l’Agence France Presse.

« Toute l’instruction est basée sur le fait que cette décoration n’était pas justifiée et laissait planer des soupçons sur mon intégrité » a-t-il poursuivi. « Ces témoignages confirment que Pasqua avait reçu l’ordre de sauver les pilotes français par ses relations et que M. Juppé était au courant » a-t-il encore ajouté.

En janvier dernier, Charles Pasqua a demandé à la Cour d’appel que l’actuel ministre de la Défense soit entendu comme témoin.

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