Paris veut relancer la défense européenne

Le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’Otan devait s’accompagner d’un renforcement de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union européenne. Du moins, c’était le corollaire promis par le président Sarkozy à ceux qui voyaient dans le retour plein et entier de Paris dans l’Alliance atlantique un renoncement à l’idée de défense européenne.

Et la signature d’accords bilatéraux de défense entre la France et le Royaume-Uni a pu faire penser que la PSDC avait du plomb dans l’aile même si, quelques semaines plus tôt, l’ancien ministre français de la Défense, Hervé Morin, avait parlé devant ses homologues d’alors réunis à Bruxelles, le risque de voir l’Europe devenir « dans 50 ans, un condominium sino-américain » si aucune intiative forte n’était prise en matière de défense européenne.

Mais c’est aussi sans compter sur l’initiative des pays membres du Triangle de Weimar (France, Allemagne et Pologne), qui ont adressé, en décembre dernier, une lettre à la Haute représentante chargée des Affaires étrangères et de la politique de sécurité de l’UE, Cathy Ashton, afin de relancer les initiatives en matière de défense et de sécurité.

Parmi les points soulevés par les signataires, l’on trouvait la coopération UE-Otan sur « les théâtres d’opération », accompagnée d’un partenariat avec l’Agence européenne de défense (AED) et le commandement allié pour la transfortmation (ACT), la mise sur pied d’un quartier général européen, la volonté de mettre en commun des « battlegroup » et, enfin la restructuration de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

Cette volonté de Paris de relancer la défense européenne a été une nouvelle fois affirmée par le ministre français de la Défense, Alain Juppé, à l’occasion d’un déplacement effectué le 27 janvier dernier à Bruxelles. « L’Europe de la Défense est nécessaire » a-t-il alors affirmé. « L’Europe ne peut prétendre à un rôle au niveau international si elle n’est pas en capacité d’assurer sa sécurité de manière autonome. Et c’est aussi une exigence budgétaire » a-t-il encore expliqué, en faisant référence aux baisses de moyens consacrés aux forces armées dans la plupart des pays de l’UE.

Pour autant, et comme l’a expliqué le même Alain Juppé à la tribune de l’Assemblée nationale le 2 février, il ne s’agit pas d’opposer l’Otan et la défense européenne. « Les réformes ambitieuses décidées à Lisbonne (ndlr, sommet de l’Alliance atlantique en novembre 2010) confirment pleinement les orientations actuelles que nous donnons à nos forces armées, car elles réaffirment la nécessité d’adapter nos modes de pensée et nos modes d’action aux nouvelles menaces (…), la nécessité, aussi, de disposer de forces entraînées, déployables et parfaitement interopérables avec nos alliés, et de préserver un outil militaire complet » a-t-il affimé devant les députés. Et d’insister : « Ces réformes sont inséparables de notre volonté de construire une défense européenne crédible. Plus que jamais, c’est une priorité pour la France ».

« Si nous voulons cette défense européenne, c’est d’abord par ambition politique pour l’Europe : l’Union ne pourra pas jouer tout son rôle politique et peser sur les équilibres du monde sans être adossée à une capacité de défense » a-t-il ajouté. Et pour y arriver, le ministre a rappelé la nécessité pour les Etats européens « fédérer leurs efforts », en accélérant « le partage et la mutualisation » des ressources, des capacités et des compétences.

L’intervention du ministre français des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, faite le 6 février devant la 47ème Conférence sur la sécurité de Munich, a été de la même teneur que les propos de son collègue à la Défense.

« Le parapluie américain ne saurait être universel ni éternel. Nous devons agir pour que l’Europe soit en mesure de se doter de ses propres capacités, afin d’apporter sa contribution à la paix et à la sécurité mondiale » a-t-elle ainsi affirmé. Et de plaider, comme l’a réclamé le courrier du Triangle de Weimar adressé à Cathy Ashton, la création « d’un état-major de planification et de conduite des opérations » au niveau européen.

« Si nous avons cette structure permanente de base, même minime, nous gagnerons des semaines » en cas de crise a-t-elle expliqué. Or, en la matière, et comme elle l’a rappelé, « c’est souvent la vitesse qui va empêcher une crise de se développer ».

Reste que l’idée de créer un état-major européen, portée depuis longtemps par Paris, s’est toujours heurté à un refus britannique, Londres estimant qu’une telle structure ferait double emploi avec celles de l’Otan.

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