Défense : La Cour des comptes est prudente sur les externalisations

Avec la Stratégie ministérielle de réforme (SMR) et la Révision générale des politiques publiques (RGPP), l’externalisation est devenue à la mode au ministère de la Défense. Rendue nécessaire avec la fin du service militaire, cette pratique a depuis été étendue selon quatre principes qui ont été définis en 2008.

Ainsi, pour qu’une externalisation soit engagée, elle ne doit « pas affecter la capacité des armées à réaliser leur mission opérationnelle », « préserver les intérêts des personnels », « veiller notamment à la place des PME » et « assurer dans la durée des gains économiques et budgétaires significatifs ».

La part des externalisations dans le budget du ministère de la Défense a ainsi progressé de 186% en huit ans, passant de 592 millions d’euros en 2001 à 1,695 milliard d’euros en 2008. Par comparaison, ce taux est de 25% chez les Britanniques.

Dans un rapport commandé par la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes, qui a analysé plusieurs cas d’externalisation dans les armées, a invité à la prudence avec ce genre de pratique.

« Aucune des externalisations analysées n’a, à ce jour, réduit la capacité opérationnelle des armées. Dans certains cas, par exemple, le transport stratégique, elles sont, au contraire, absolument indispensable à la réalisation des missions » ont cependant noté les sages de la rue Cambon.

Mais, du point de vue de l’efficacité économique de cette pratique, qui doit permettre aux armées de se concentrer sur leur « coeur de métier », les magistrats de la Cour des comptes ont estimé que « les insuffisances méthodologiques et le manque de données ne permettent pas à ce jour de conclure définitivement et de façon globale sur l’intérêt économique des externalisations. »

« Les quelques dossiers qui ont donné lieu à des analyses un peu plus avancées incitent à la plus grande prudence et appellent à des analyses plus poussées, au cas par cas, pour s’assurer que l’externalisation apportent des gains véritables et substantiels » ont-ils ajouté dans leur rapport.

La Cour des comptes a également pointé quelques limites. Ainsi, pour le transport stratégique, largement externalisé. Là, les sages se sont interrogés sur ce qu’il pourrait se passer en cas de « crise militaire très grave ». Et ils ont mis en lumière quelques difficultés possibles, tels que le refus de personnels civils de se rendre sur un théâtre d’opérations extérieur ou encore l’augmentation des coûts des assurances et la hausse des coûts du marché.

« Du point de vue de la continuité du service en toute circonstance, les opérations d’acquisitions en PPP (ndlr, partenariat public privé), voire en LOA (ndlr, location avec option d’achat) de matériels ensuite mis en oeuvre par des personnels militaires apparaissent bien plus fiables que le simple recours au marché d’affrêtement » ont-ils estimé.

Si l’externalisation des fonctions de restauration ou d’habillement ne pose en soi pas de problème particulier, il en va autrement avec la sécurité des bases aériennes. Ainsi, pour celle de Varennes-sur-Allier, désignée pour être un site expérimental de la fonction « externalisation de soutien » en 2001, les magistrats font part de leur « interrogations » sur le maintien de la capacité opérationnelle en toutes circonstances.

En effet, la sécurité de la base a été confiée à un prestataire privé. Seulement, en cas de coup dur, le personnel militaire reprendrait les choses en main, après avoir récupéré l’armement à Avord et reçu des renforts en provenance d’une autre unité. Et les prestations de l’entreprise retenue (34 employés sur le site) sont limitées en raison de ses capacités insuffisantes d’intervention en cas de grave sinistre ou d’incendie.

Autre sujet qui rend sceptique la Cour des comptes : celui de céder au privé les satellites de télécommunications Syracuse 3A et 3B dans le cadre d’un PPP.

En clair, pour 400 millions d’euros, le ministère de la Défense céderait les deux Syracuse à un opérateur qui se verrait ensuite attribuer un contrat pour fournir aux armées les capacités dont elles ont besoin en matière de télécommunications pendant la durée de vie des satellites. Le potentiel non utilisé pourrait être proposé à des prestataires civils.

Pour les magistrats de la rue Cambon, « le projet de vente de l’usufruit du système Syracuse obéit plus à la volonté de créer des recettes exceptionnelles qu’à une opération d’externalisation », laquelle ne doit pas, selon, être « confondue avec une finance inventive au service d’un contournement des obstacles budgétaires ».

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