Le point sur l’affaire des otages du Niger

Lors du dernier Conseil des ministres, le président Sarkozy a justifié l’intervention des forces spéciales du 8 janvier dernier visant à libérer Antoine de Léocour et Vincent Delory, les deux ressortissants français pris en otage par un groupe d’hommes armés au Niger et s’est félicité de « l’unité nationale autour d’une décision qui s’imposait ». Selon François Baroin, le porte-parole du gouvernement, le ministre de la Défense, Alain Juppé, « a donné et donnera les informations au fur et à mesure de l’évolution du suivi de l’enquête ».

Pour l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, il n’y a pas de « flou dans la séquence des événéments » qui ont conduit à la fin tragique des deux jeunes français. « L’un d’entre eux est mort d’une balle dans la tête qui n’était pas une balle perdue » a-t-il déclaré, la veille, lors d’un déplacement au Tchad. « Nous avons aujourd’hui toutes les raisons de penser que les otages ont été exécutés par les ravisseurs » a-t-il ajouté. « Il y a eu trois morts et trois blessés (ndlr, chez les ravisseurs) dans un premier temps. Ensuite, un ravisseur est mort des suites de ses blessures. Il y a deux militaires français blessés » a-t-il encore précisé.

Lors de sa visite au Niger, Alain Juppé a déclaré que des « terroristes et des personnes portant l’uniforme de la gendarmerie nigérienne » avaient été retrouvées mortes. « A l’enquête d’établir quelle était la raison de leur présence dans les véhicules que nous avons arrêtés » a-t-il prudemment avancé.

Le 11 janvier, le Premier ministre, François Fillon, a évoqué cette affaire devant les députés et n’a pas dit autre chose qu’Alain Juppé, si ce n’est qu’il a affirmé que 30 militaires français « héliportés et parachutés » ont pris part à des « combats brefs mais extrêmement violents », lesquels ont eu lieu au Mali, à une quinzaine de kilomètres de Tabankor. L’hôte de Matignon a confirmé le bilan de quatre preneurs d’otages tués et a ajouté que deux autres avaient été faits prisonniers, puis remis aux autorités nigériennes dans l’attente qu’ils soient interrogés par six policiers français de la DCRI et de la police judiciaire, qui ont fait le déplacement à Niamey.

Selon une source sécuritaire malienne, des « hélicoptères de combat » ont tiré sur les voitures du convoi des ravisseurs. « Parmi les véhicules retrouvés calcinés, il y a un gros véhicule 4×4 immatriculé au Bénin » a-t-elle confié à l’AFP, confirmant ainsi les témoignages recueillis après le rapt des deux jeunes français,qui évoquaient une voiture avec des plaques béninoises à bord de laquelle des individus « enturbannés et armés » avaient pris place avec leurs victimes.

Le correspondant malien a également déclaré qu’ « il y avait aussi un véhicule de la gendarmerie nigérienne que les Nigériens sont venus chercher ». Ce témoignagne a été confirmé par un éleveur du coin, qui a affirmé avoir vu « plusieurs voitures calcinées dont l’une appartenait à la gendarmerie malienne ». Que faisait-elle là? Mystère… D’autant plus que seuls les militaires français (vraisemblablement appartenant au 1er RPIMa) sont intervenus avec 3 hélicoptères, les gendarmes nigériens étant restés en retrait après un premier assaut où ils avaient maîtrisé leurs tirs pour ne pas toucher les otages. C’est du moins la version donnée par le porte-parole du gouvernement à Niamey.

Quant aux deux ravisseurs prisonniers, les autorités nigériennes ont opposé un démenti aux déclarations des officiels français. « Il n’existe pas actuellement de terroristes auditionnés par nos services » a ainsi déclaré Cissé Ousmane, le ministre nigérien de l’Intérieur, à RFI. « Je peux affirmer que les services compétents nigériens ont reçu des autorités françaises, en deux phases, six cadavres et deux blessés » a-t-il ajouté. Si les blessés ne faisaient pas partie des ravisseurs, alors qui sont-ils? Et quid des « personnes » tuées portant les uniformes de la gendarmerie nigérienne?

Alors qu’une autre source proche de la présidence nigérienne avait confié à l’AFP que les cadavres des deux jeunes français étaient « calcinés », les premiers éléments recueillis après l’autopsie pratiquée à Paris le 12 janvier indiquent que l’un des deux a été tué par un balle dans la tête, « à bout portant », ce qui confirmerait l’assassinat. Le corps du second otage est « totalement brûlé » et les causes de son décès restent encore à déterminer. Une des hypothèses suggère qu’un tir aurait touché le réservoir du véhicule dans lequel il se trouvait.

Le point qui ne souffre pas de contestation est l’identité du commanditaire de l’enlèvement des deux ressortissants français. Aussi bien à Niamey qu’à Bamako et à Paris, c’est Mokhtar Belmokhtar, alias Abou al-Abbes ou encore Laaouar (le borgne) qui en serait à l’origine. Compagnon de route d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), il est également surnommé « Mr. Marlboro » en raison de son implication dans divers trafics. En fait, le « jihad » lui sert davantage de prétexte pour ses activités de contrebandier.

Marié à trois filles de chefs touaregs, il a toute latitude pour se livrer à ses trafics dans le Sahel. Sa katiba, appelée al-Moulathamoun, a été responsable de plusieurs enlèvements d’occidentaux par le passé, ce qui lui a permis de demander et d’obtenir des rançons élevées. Si le côté religieux est secondaire chez lui, il est néanmoins un rouage essentiel à AQMI puisque c’est lui qui fournit les armes à cette organisation terroriste.

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