La France a changé d’approche face aux terroristes du Sahel

Compte-tenu de ses intérêts stratégiques et économiques dans la région, la France constitue une cible privilégiée pour al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). En décembre 2007, quatre touristes français avaient été assassinés en Mauritanie, ce qui avait eu, à l’époque, pour conséquence directe l’annulation de la course automobile « Paris-Dakar » et sa délocalisation en Amérique du Sud.

Depuis, les responsables de ces meurtres, tous membres d’AQMI, ont été arrêtés puis condamnés à mort par la justice mauritanienne. Pour autant, la sévérité de ce jugement n’a nullement dissuadé les terroristes de poursuivre leurs actions contre la France : en août 2009, l’ambassade française à Nouakchott a été la cible d’un attentat suicide (2 gendarmes français blessés).

En novembre de la même année, le travailleur humanitaire Pierre Camatte est pris en otage avant d’être libéré quelques semaines plus tard, après la libération de militants islamistes au Mali.

Mais, depuis juillet 2010, avec le raid mené par l’armée mauritanienne et des membres du service action de la DGSE contre une base d’AQMI, dans l’espoir de libérer un autre ressortissant français, Michel Germaneau, enlevé quelques semaines plus tôt, la France a amorcé un changement d’approche dans la région.

En fait, deux groupes d’AQMI sont actifs dans le Sahel. L’on trouve celui d’Abou Zeïd, responsable du meurtre, en juin 2009, du Britannique Edwin Dyer et de l’enlèvement de 5 français dans le nord du Niger, à Arlit, le 16 septembre dernier. L’autre « Katiba » est dirigée par Mokhtar Belmokhtar, un algérien plus versé dans les trafics en tout genre, qui a fait de la prise d’otage une rente.

C’est ce dernier qui a détenu des ressortissants espagnols l’an passé, qu’il a libérés contre une rançon. Et on le trouvait encore en 2003, avec l’enlèvement de touristes européens dans le Sahara. Et c’est sans doute lui qui est à l’origine des deux jeunes français, Antoine De Léocour et Vincent Delory, dans un restaurant de Niamey (Niger) et dont la tentative de libération a mal tourné.

Dans cette affaire, l’armée nigérienne et les forces françaises présentes dans la région, avec des éléments du Commandement des Opérations Spéciales (COS), des avions de patrouille maritime Atlantique-2 ainsi que des hélicoptères, ont été très réactives.

Dès l’annonce de l’enlèvement des deux jeunes français, la garde nationale nigérienne s’est lancée aux trousses des ravisseurs. Un premier accrochage a eu lieu, dans la nuit du 7 au 8 janvier, impliquant les forces de sécurité locales, lesquelles ont maîtrisé le feu pour éviter de tuer les otages.

Grâce au concours d’un Atlantique-2, les ravisseurs ont ensuite pu être  repérés à la frontière avec le Mali. Une opération a été montée très rapidement afin d’empêcher les terroristes de rejoindre une zone refuge à partir de laquelle ils auraient pu fixer leurs conditions pour libérer leurs prisonniers en sécurité. Là, ce sont des membres des forces spéciales françaises, qui, après avoir été héliportés, ont lancé l’assaut contre les preneurs d’otages.

Entre-temps, les deux jeunes français auraient été assassinés par leurs ravisseurs, lesquels ont perdu des hommes dans l’assaut donné par les militaires français. Deux hommes du COS ont par ailleurs été légèrement blessés.

Le ministre de la Défense, Alain Juppé, attendu à Niamey, a assumé cette opération, dont l’issue a été tragique pour les deux otages français. « La décision, grave, a été prise par le chef de l’Etat, chef des armées, en étroite coordination avec le Premier ministre et moi-même » a-t-il déclaré au journal télévisé de TF1, le 9 janvier.

« Ne rien faire, c’était prendre un double risque. D’abord le risque de voir nos otages emmenés par les ravisseurs dans l’une de leurs bases refuge au Sahel, et l’on sait ensuite comment ils sont traités » a-t-il expliqué. « Un deuxième risque, plus gobal : ne rien faire, c’est donner le signal que la France ne se bat plus contre le terrorisme » a-t-il poursuivi.

Ce changement d’approche dans ce genre d’affaires avait été clairement énoncé par le président Sarkozy en août dernier, lors de la conférence des ambassadeurs. « Le paiement d’une rançon pour la libération des prisonniers ne peut pas être une stratégie durable » avait-il alors affirmé. Cette position, qui est aussi celle des Etats-Unis et du Royaume-Uni, est partagée par les pays du Sahel, qui estiment que donner aux terroristes ce qu’ils veulent – comme l’a récemment fait l’Espagne pour ses otages détenus par AQMI – ne peut que renforcer et leurs capacités, alors que les forces de sécurité locales n’ont pas toujours assez de moyens pour les combattre.

Il reste maintenant à voir si cette fermeté de la France va dissuader AQMI de lancer de nouvelles opérations ou si, au contraire, elle va renforcer la détermination de ses militants. Pour le moment, l’organisation détient toujours 5 otages français et les négociations pour leur libération semblent au point mort.

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