L’amiral Forissier veut « préserver l’épine dorsale » de la Marine nationale

Le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), l’amiral Pierre-François Forissier n’avait pas caché son inquiétude lors de son audition devant les députés de la commission Défense de l’Assemblée nationale en octobre dernier.

En cause, les restrictions de crédits qui frappent le ministère de la Défense et qui vont rendre compliquée la tenue des objectifs fixés par la dernière Loi de Programmation Militaire (LPM).

« Aujourd’hui, nous avons des ruptures temporaires de capacité qui nous empêchent d’assurer la souveraineté de nos espaces ultramarins en permanence » avait-il dit aux parlementaires. Et de prévenir : « si nous ne réagissons pas », la France ne pourrait être plus en mesure de « maintenir son statut de marine mondiale compte tenu des réductions budgétaires que la crise nous impose ».

Entre autres, le CEMM déplorait la réduction de 10% du temps d’utilisation des bâtiments pour des raisons budgétaires – un bateau de la marine est en mer une centaine de jours par an – et la situation « préoccupante » concernant les appareils de l’aéronautique navale, avec la nécessité de remplacer dès 2015 le Super Etendard Modernisé (SEM) qui a « régulièrement des problèmes, dus notamment à la fatigue de sa structure » et de rénover au plus vite les avions de patrouille maritime Atlantique 2. « Leur rétrofit va devenir urgent » avait-il affirmé à leur sujet. Quant aux hélicoptères, ce n’est guère plus brillant : l’amiral Forissier avait alors regretté l’impossibilité de faire la jonction entre la retrait des Super Frelon et l’entrée en service du NH-90 et évoqué le trop grand nombre de Lynx indisponibles en raison d’un manque de pièces de rechange.

Pour autant, le CEMM entend bien limiter les conséquences des restrictions budgétaires dues à la crise économique, qu’il qualifie de « surprise stratégique », en veillant à ce que le format de la flotte ne diminue pas.

« Je veux préserver l’épine dorsale de la marine qui est constituée de ses sous-marins nucléaire d’attaque et de ses frégates de premier rang. Je me battrai pour que leur nombre ne soit pas réduit, car nous sommes déjà la limite de la rupture. A missions inchangées, je ne peux pas aller en deçà » a-t-il déclaré au cours d’un entretien publié par le quotidien Les Echos. Pour illustrer les propos de l’officier, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en juin 2008 a réduit de 17 à 11 le nombre de frégates multimissions (FREMM).

Seulement, pour cela, il lui faudra trouver des marges de manoeuvres. « Je recherche donc des façons de fonctionner radicalement différentes pour que l’on cesse de penser réduction de la flotte quand on cherche à réaliser des économies » a-t-il ajouté, estimant par ailleurs que la réforme du ministère de la Défense visant à rationaliser les activités de soutien « ne suffira pas » car « nous n’avons qu’optimisé ce qui pouvait l’être » et que « rien n’a changé sur le fond ». « Il nous faut penser autrement et être innovants » estime-t-il.

Une des pistes que l’amiral Forissier a avancé serait de faire payer une partie des missions de la Marine nationale centrées sur l’action de l’Etat en mer par un autre budget que celui de la défense.

« En termes financiers, c’est de l’ordre de 5 à 10% de notre coût de fonctionnement » pour 30% des missions de la Royale, a-t-il rappelé. « Est-ce à la marine de payer la rentrée des classes en Polynésie ou la surveillance de la pêche au thon rouge en Méditerranée? » s’est-il demandé.

Enfin, quant au second porte-avions PA2, la collaboration avec la Royal Navy ne le remettrait pas en cause pour une bonne raison : si le Charles de Gaulle est en mission et que le Prince of Wales (ndlr, le bâtiment prévu par la Grande-Bretagne) est indisponible, il en manquera toujours un pour l’entraînement. « Tout dépendra des ressources budgétaires. Après, que le PA2 soit français ou anglais, c’est une question qui peut être posée » a-t-il déclaré.

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