Un rapport pessimiste sur l’avenir de l’Afghanistan après 2014

Selon plusieurs récents compte-rendus, les taliban auraient été défaits à Kandahar, leur bastion historique, à l’issue d’une offensive menée par les troupes de l’Otan et celles de l’armée nationale afghane. Cependant, les officiers américains se veulent prudents et préférent attendre le printemps prochain pour avoir une évaluation précise de la situation dans cette province du sud de l’Afghanistan.

Mais pour le colonel canadien Ian Creighton, il ne fait aucun doute que les taliban ont été vaincus. « Il ne s’agit pas d’une simple question de retrait vers le Pakistan avec l’arrivée de l’hiver, mais d’une réelle défaite des taliban » a ainsi soutenu, le 26 novembre, cet officier, dont la mission afghane vient de se terminer.

Autre point de vue, celui des militaires canadiens du 1er bataillon du Royal 22e régiment, qui viennent d’arriver dans le district de Panjawi, situé dans le sud afghan. « Certains de mes sergents et adjudants, qui en sont à leur deuxième ou à leur troisième mission, me disent à quel point la situation est différente de ce qu’ils ont connu. Ils constatent que la population est de retour dans les villages, qu’elle a repris l’agriculture et ses activités économiques, parce qu’elle se sent davantage en sécurité » a ainsi affirmé le lieutenant-colonel Saint-Louis.

Les effets positifs du recours accru aux forces spéciales afin de déstabiliser la chaîne de commandement des insurgés et de désorganiser leur approvisionnement ainsi que la montée en puissance de l’armée nationale afghane permet d’envisager un retrait progressif des forces de la coalition internationale à mesure que la situation sur le terrain s’améliore. A la fin de l’année 2014, les autorités de Kaboul devraient ainsi être en mesure d’assumer seul sa sécurité, avec des troupes de l’Otan en soutien.

Cette sortie de crise idéale n’est pas celle que prévoient les auteurs du dernier rapport de l’institut de recherche International Crisis Group, publié le 27 novembre. Et les conclusions de ce document sont pessimistes quant à l’avenir de l’Afghanistan puisqu’il met en garde contre un risque de guerre civile après 2014.

« Peu d’éléments indiquent que les opérations (de l’Otan) ont troublé l’élan de la rébellion. Les taliban sont plus actifs que jamais et disposent toujours de sanctuaires et de soutiens au Pakistan » constate l’ICG.

Quant aux forces de sécurité afghanes, appelées à prendre le relais de l’Otan en 2014, le rapport en dresse un portrait peu flatteur. L’ICG estime en effet que la police est « corrompue, brutale et rapace », ce que montre un exemple donné par une note de l’ambassade américaine à Kaboul, écrite en août 2009. Selon ce document révélé par WikiLeaks, l’on apprend que le président Karzaï a gracé 5 policiers condamnés à des peines allant de 16 à 18 ans de prison pour avoir transporté dans leur véhicule de fonction pas moins de 124 kilogrammes d’héroïne au motif qu’ils « étaient de lointains cousins de personnes tuées pendant la guerre civile. »

Pour ce qui concerne l’armée, le rapport de l’ICG indique qu’elle est sous l’influence « d’hommes forts » et « gangrenée par les désertions ». A cela, s’ajoute la qualité sujette à caution des militaires afghans :  le document met en avant qu’ils sont « insuffisamment entraînés » et qu’ils « n’offrent qu’une piètre résistance aux taliban ». D’où la conclusion qui s’impose aux yeux de l’ICG : le retrait progressif des forces de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) n’est sans doute pas le plus pertinent.

Le rapport pointe également l’incapacité de la communauté internationale, et en particulier celle des Etats-Unis, à construire un pays « solide », malgré des milliards de dollars dépensés, lesquels ont le plus souvent alimenté la corruption.

« Trop peu a été fait pour développer les institutions politiques, les autorités locales et un système judiciraire, et ce vide a été comblé par les rebelles et les politiciens criminels » avance l’ICG, qui remet par ailleurs sévèrement en cause la politique de la main tendue du président Karzaï aux taliban, ce qui risque de nourrir l’insécurité et de tendre les rapports entre les communautés.

Pour le rapport, la suite des évènements est prévisible, du moins si rien n’est fait pour y remédier. « Sans soutien extérieur, le gouvernement (afghan) s’effondrerait, les talibans contrôleraient la plupart du pays et les conflits internes s’aggraveraient, laissant craindre le retour de la guerre civile destructrice des années 1990 », prédit l’ICG.

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