Tensions toujours aussi élevées dans la péninsule coréenne

Les raisons qui ont conduit la Corée du Nord à bombarder l’île sud-coréenne de Yeonpyeong, le 23 novembre, restent encore à déterminer. Etait-ce pour tester Séoul et l’administration américaine et faire monter les enchères afin d’obtenir des aides, notamment alimentaires, en échange d’un radoucissement? Etait-ce pour forcer la reprise des négociations à six portant sur son programme nucléaire, qu’elle a pourtant quitté il y a maintenant deux ans? Ou encore était-ce pour affirmer l’emprise sur le régime de Kim Jong-un, désigné par Kim Jong-il pour lui succéder?

En attendant, la Corée du Sud a décidé de se renforcer militairement dans le secteur qui a été le théâtre du bombardement nord-coréen. Ainsi, dans un premier temps, Séoul a annoncé le déploiement de nouvelles batteries d’artillerie K9 sur l’île de Yeonpyeong et le remplacement d’obusiers de 105mm par des canons de plus longue portée. Les troupes sud-coréennes déployées sur place, fortes de 4.000 hommes, vont également recevoir des renforts ainsi que des nouveaux matériels.

« Nous ne devons pas baisser la garde, en préparation d’une possible nouvelle provocation nord-corenne » a indiqué, au cours d’une réunion tenue le 25 novembre, Lee Myung-bak, le président sud-coréen. Ce dernier a par ailleurs accepté la démission de son ministre de la Défense, Kim Tae-young, jugé trop timoré. Il a été remplace, ce 26 novembre, par Kim Kwan-Jin, un ancien chef d’état-major âgé de 61 ans.

Afin de dissuader Pyongyang de lancer une nouvelle attaque, des manoeuvres navales conjointes avec les Etats-Unis auront lieu à partir du 28 novembre. A cette occasion, le président américain, Barack Obama, en concertation avec son homologue sud-coréen, a décidé d’envoyer en mer Jaune le porte-avions nucléaire USS Washington, habituellement basé à Yokosuna, au Japon, et son groupe d’escorte, composé par le croiseur lance-missiles Cowpens et les destroyers Lassen, Stethem et Fitzgerald.

Par ailleurs, selon Information Dissemination, généralement bien informé, l’US Navy disposerait dans la zone du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Jimmy Carter, lequel est un habitué des missions « très secrètes », qui peuvent être, par exemple, l’espionnage des câbles sous-marins de télécommunications ou encore le transport de commandos marine SEAL.

La perspective de ces manoeuvres est vue d’un mauvais oeil par Pékin, allié traditionnel de Pyongyang. « Nous sommes opposés à toute action non autorisée à l’intérieur de la zone écoonomique exclusive de la Chine » a déclaré, ce 26 novembre, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « La situation actuelle dans la péninsule coréenne est compliquée et sensible, toutes les parties doivent faire preuve de retenue, oeuvrer dans le sens d’une détente et du maintien de la paix et de la stabilité de la péninsule, et non le contraire » a-t-il ajouté.

La Corée du Nord a également vivement critiqué les manoeuvres navales que méneront son voisin du Sud et les Etats-Unis. « La situation de la péninsule coréenne se rapproche du bord de la guerre à cause du projet imprudent de ces excités de la gâchette » a-t-on fait savoir à Pyongyang. Et l’armée nord-coréenne de menacer de déclencher « une deuxième, et même une troisième, salve d’attaques sans la moindre hésitation, en cas de nouvelle provocation militaire inconsidérée de la part des bellicistes de Corée du Sud. »

Reste qu’une reprise de la guerre entre les deux Corées, arrêtée en 1953, n’arrangerait aucun acteur de la région, à commencer par Pékin. En effet, pour la Chine, la Corée du Nord lui sert d’Etat tampon avec la Corée du Sud et même si la présence militaire américaine dans le secteur l’indipose, elle tient avant tout à ce qu’il n’y ait pas d’agitation à ses frontières, ce qui serait le cas si jamais un conflit éclate, avec un afflux de réfugiés à la clé sur son territoire.

Pour les Etats-Unis, un conflit entre les deux Corées serait embarrassant puisque Washington serait contraint d’y prendre par avec le jeu des alliances. Et actuellement, avec les opérations en Afghanistan et le dossier nucléaire iranien, cela mettrait l’administration Obama en difficulté.

Enfin, la Corée du Sud a tout intérêt à éviter l’escalade militaire avec son voisin du nord et attendre que le régime de Pyongyang s’écroule de lui même. Et même cette perspective ne serait pas forcément une bonne nouvelle étant donné que cela pourrait plomber son économie dans le cas d’un éventuelle réunification des deux frères ennemis. Quant aux dirigeants nord-coréens, une confrontation militaire avec le Sud ne leur garantirait pas leur survie politique.

Cela étant, si le conflit finit par éclater, bien malin celui qui pourrait en prédire l’issue. Si l’armée sud-coréenne présente une indéniable supériorité technologique, avec, en plus, le soutien américain, celle du Nord a l’avantage du nombre, avec un possible recours à des armes non conventionnelles (chimiques notamment car il n’est pas acquis que les ingénieurs nord-coréens aient déjà réussi à concevoir des têtes nucléaires montées sur des missiles balistiques) et à des tactiques inspirées de la guérilla.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]