Nouveau site nucléaire en Corée du Nord

Alors que les discussions portant sur le programme nucléaire nord-coréen sont au point mort, un scientifique américain, Siegfried Hecker, par ailleurs ancien directeur du laboratoire nucléaire national de Los Alamos, a fait part au New York Times de sa visite, le 12 novembre dernier, d’un site d’enrichissement d’uranium en Corée du Nord.

Tout d’abord, l’on est obligé de se fier au témoignage de Siegfried Hecker puisque ce dernier n’a pas été autorisé à prendre des photographies de l’usine qu’il a visitée. Ainsi, le scientifique s’est dit « stupéfait » des installations qu’il a pu visiter, notamment par une « salle de contrôle ultra-moderne » et a constaté la présence de « centaines et de centaines » de centrifugeuses et aurait vu « des centaines et des centaines » de centrifugeuses. Selon les autorités nord-coréennes, le site en disposerait de 2.000.

Officiellement, cette usine nucléaire viserait à produire de l’uranium faiblement enrichi (à 3,5%) pour alimenter un réacteur expérimental à eau légère en cours de construction près du complexe de Yongbyon. Il s’agirait pour Pyongyang de remédier ainsi à ses carences en matière d’électricité.

Cela étant, il se pourrait aussi que l’usine visitée par Siegfried Hecker puisse aussi enrichir suffisamment d’uranium pour un usage militaire. Pour l’instant, le programme visant à développer une bombe nucléaire a été alimenté par du plutonium produit par les installations situées à Yongbyon.

Le complexe décrit par le scientifique américain pourrait donc être une deuxième source d’approvisionnement pour les projets nord-coréens en matière d’armement nucléaire. Et ses capacités pourraient permettre de produire au moins deux dizaines de kilogrammes d’uranium enrichi à des fins militaires.

Quoi qu’il en soit, cette usine a été construite récemment puisqu’elle n’était pas connue des inspecteurs de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) au moment de leur départ de Corée du Nord, en avril 2009. D’où la déduction que, manifestement, Pyongyang a pu contourner les sanctions qui lui ont été infligées par le Conseil de sécurité de l’ONU après son second essai nucléaire. Et pour le New York Times, il est probable que les Nord-Coréens aient reçu une aide extérieure.

Toujours est-il que l’on peut s’interroger sur la motivation du régime nord-coréen qui l’a conduit a révélé l’existence de cette nouvelle installation, alors même qu’il est entré dans une phase de transition, avec l’émergence de Kim Jong-un, le fils de l’actuel maître de Pyongyang, que l’on dit gravement malade.

A Washington, l’existence de cette usine décrite par Siegfried Hecker est un « acte provocateur ». Le chef d’état-major interarmées, l’amiral Michael Mullen, a quant à lui dénoncé l’attitude « belliqueuse » de Pyongyang. « Cela confirme que la Corée du Nord est un pays dirigé par un dictateur qui tente en permanence de déstabiliser la région. Il souffle le chaud et le froid, fait un pas dans une direction puis fait marche arrière. En ce moment, j’ai vraiment l’impression qu’il fait marche arrière » a-t-il déclaré à l’antenne de la chaîne de télévision ABC.

L’envoyé spécial américain pour la Corée du Nord, Stephen Bosworth, a également parlé de « provocations » mais sans utiliser le terme de « crise ». « Nous ne sommes pas surpris, nous avons suivi et analysé les aspirations (nord-coréennes) à produire de l’uranium enrichi depuis quelques temps, cela remonte à plusieurs années » a-t-il déclaré à l’issue d’une rencontre avcec le ministre sud-coréen des Affaires étrangères à Séoul, ce 22 novembre.

Reste le chef de l’AIEA, Yukiya Amano, a indiqué, le 8 novembre dernier, que le programme nucléaire nord-coréen était la source d’une « grande inquiétude » compte tenu du fait que la Corée du Nord « n’a pas permis à l’Agence de mettre en oeuvre des garanties dans le pays depuis décembre 2002 ».

Par ailleurs, un rapport publié le 12 novembre par le Conseil de sécurité de l’ONU a indiqué, sans surprise toutefous, que « la République populaire démocratique de Corée continue de participer à des activités relatives aux armes nucléaires et aux missiles balistiques dans certains pays, dont la Birmanie, la République arabe syrienne et la République islamique d’Iran ».

A cette fin, Pyongyang a « créé un réseau international extrêmement complexe pour l’acquisition, la commercialisation et la vente d’armes et de matériel militaire et les exportations d’ames, [qui] sont devenues l’une des principales sources de devises de pays. » Ce commerce, notamment en matière d’armes et de missiles, lui rapporterait « 100 millions de dollars au minimum par an ».

Photo : Prise de vue par satellite de la construction du réacteur à eau légère sur le site de Yongbyon (c) Institute for Science and International Security

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