Plaidoyer en faveur d’une défense antimissile

Alors que la question de la mise en place d’une défense antimissile sera abordée à l’occasion du prochain sommet de l’Otan à Lisbonne, le sénateur Josselin de Rohan, président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense et des Forces armées, a déposé un rapport sur ce sujet, le 10 novembre dernier.

Ainsi, pour le sénateur, la défense antimissile doit venir en complément de la dissuasion nucléaire. Et il avance plusieurs éléments de justification. Même si la menace balistique contre la France et, plus généralement, l’Europe, est pour le moment faible, cela pourrait changer à partir de 2020 étant donné que les puissances proliférantes ont accompli des progrès rapides en ce domaine.

Pour le parlementaire, « aucun système anti-missile ne peut prétendre assurer une protection absolue ». Cependant, l’acquisition d’une telle capacité, notamment en matière d’alerte avancée (radar longue portée et satellite infra-rouge genre SPIRALE) aurait plusieurs avantages pour la dissuasion nucléaire et l’autonomie stratégique de la France.

D’une part, elle permettrait de surveiller l’état d’avancement des programmes de missiles balistiques des puissances proliférantes ainsi que d’en évaluer la menace et d’autre part, elle renforcerait la crainte de représailles chez un éventuel agresseur, étant donné qu’il serait identifié avec « certitude ». Par ailleurs, le fait de pouvoir intercepter des missiles « réhausse le seuil auquel l’adversaire doit porter son attaque » estime le sénateur.

Toujours selon ce dernier, se lancer dans la défense antimissile permettrait de mieux comprendre les mécanismes d’interception et, par conséquent, d’améliorer les capacités de pénétration des missiles de la force de frappe française. En effet, étant donné que plusieurs pays cherchent à se doter de telles capacités (Chine, Japon, Inde, Israël par exemple), cela porte atteinte, in fine, à la crédibilité de la dissuasion.

Un autre argument développé par Josselin de Rohan est la crainte de voir l’industrie de défense française (et européenne) décrocher par rapport à son homologue américaine. « La mise au point des éléments constitutifs d’une défense anti-missile des territoires et des populations est un puissant facteur de développement technologique », écrit-il. Et de poursuivre : « l’acquisition des technologies les plus performantes dans ces différents domaines est susceptible de générer des avancées sur l’ensemble des équipements ou systèmes aéronautiques, spatiaux et d’électronique de défense. Selon un schéma industriel éprouvé, les innovations de rupture d’aujourd’hui feront les systèmes d’armes de demain et les équipements génériques d’après-demain. »

Enfin, le rapport pose les conditions d’une adhésion de Paris au projet de défense antimissile de l’Otan. Sans surprise, le président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat tient à ce que « soit réaffirmé le rôle central de la dissuasion dans la protection des territoires et des populations ». L’on sait que, sur ce sujet, la France et la Grande-Bretagne sont en désaccord avec notamment l’Allemagne.

Toujours pour Josselin de Rohan, Paris doit soutenir les efforts d’Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, pour associer la Russie au projet de défense antimissile, lequel doit être une « domaine de coopération et non de confrontation ». Un autre aspect évoqué par le sénateur est celui de « la définition du système de commandement et de contrôle (C2) » et donc, des « règles d’engagement ». Enfin, toujours selon le parlementaire, la France doit « insister pour que les ambitions assignées à la défense antimissile de l’Otan demeurent réalistes » en ne laissant pas « prospérer l’illusion d’un bouclier sans faille » et qu’elles soient « adaptées à l’évolution de la menace » afin « d’obtenir une maîtrise financière des investissements de l’Otan ».

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