Pour Morin, la coopération franco-britannique en matière de défense doit montrer la voie aux Européens

Un mois après avoir mis en garde ses homologues de l’Union européenne du risque de voir l’Europe devenir un « condominium sino-américain » en raison des baisses parfois drastiques des dépenses militaires des Etats membres, le ministre français de la Défense, Hervé Morin, est revenu à la chargé lors d’un entretien accordé au quotidien économique La Tribune.

« Nous sommes en train de renoncer à être un acteur majeur sur la scène internationale où l’on pèsera de moins en moins sans une construction politique européenne » a-t-il affirmé. Et selon lui, « l’absence de volonté et donc d’efforts en matière de défense, la faiblesse des coopérations et le manque d’ambition créent toutes les conditions d’un affaiblissement de l’Europe ».

Dans ce contexte, pour le locataire de l’Hôtel de Brienne, le renforcement de la relation franco-britannique, « fruit d’une véritable volonté politique, montre ce que nous devrions être capables de faire à l’échelle européenne! ».

Il faut dire qu’après les arbitrages rendus par Londres au sujet de ses forces armées, le Royaume-Uni est désormais bien obligé de se résoudre à coopérer avec la France en matière de défense étant donné qu’il va subir des déficits capacitaires au cours des prochaines années. Ce sera d’ailleurs le cas avec l’abandon du programme d’avion de surveillance maritime Nimrod MRA-4, qui va fragiliser la dissuasion nucléaire britannique, étant donné que la Royal Air Force ne sera plus en mesure de détecter d’éventuel submersibles trop curieux des mouvements des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Navy.

Quant aux pistes de coopérations entre Paris et Londres, Hervé Morin en a avancé quelques unes. Ainsi, et alors qu’il était encore « totalement irréaliste » de partager des porte-avions, selon son homologue britannique, Liam Fox, cette option est désormais sur la table.

Comme Zone Militaire l’avait expliqué en septembre, la modification des portes-avions destinés à la Navy avec l’ajout de catapultes et l’achat de F35C navalisé en lieu et place des F35B à atterrissage et décollage vertical/court, beaucoup plus chers que les premiers, rend possible une telle éventualité. D’autant plus, qu’au final, les Britanniques ne conserveront que le HMS Prince of Wales, le HMS Queen Elizabeth devant être revendu.

D’où la demande d’Hervé Morin à l’Etat-major des armées (EMA) « de réfléchir à la faisabilité de l’embarquement d’aéronefs britanniques sur notre propre porte-avions et vice-versa » afin d’assurer une permanence à la mer. « Ce serait un grand et fort symbole » a fait valoir le ministre, même avec « évidemment » une restriction « en cas de conflit ou de cris où nos intérêts respectifs seraient divergents ». Seulement, cette éventualité n’est pas pour tout de suite : il faut encore attendre que la Royal Navy prenne possession de son premier porte-avions et que les F35C soient livrés.

En attendant, Hervé Morin a indiqué que Paris est disposé à un partage de l’accompagnement des groupes aéronavals. « Une frégate britannique pourrait parfaitement participer à la protection du Charles de Gaulle et vice-versa » a avancé le ministre.

Cela étant, cela ne constitue pas une nouveauté puisque deux frégates ASM de la Royal Navy (HMS Somerset et Grafton) ont déjà accompagné, à tour de rôle, un groupe aéronaval français constitué autour du Foch, lors de la campagne de l’Otan au Kosovo en 1999.

Parmi les autres pistes avancées, Hervé Morin a cité la « mutualisation » des « patrouilleurs aériens » (*) et des « pétroliers » ainsi qu’une coopération possible au niveau du « maintien en condition opérationnel (MCO) et la formation des équipages d’A400M (ndlr, le futur avion de transport tactique européen). A cela s’ajoutent « le lancement d’un programme commun de ‘drone du futur’ à moyen terme », sur la base du Mantis et grâce une collaboration entre BAE Systems et Dassault Aviation et « la rationalisation de la filière missilière européenne, au sein d’un one-MBDA ».

Enfin, et étant donné que la France n’a pas encore remplacé ses avions ravitailleurs C135FR, alors que ces derniers jouent un rôle très important pour la composante aéroportée de la force de frappe aéroportée, l’armée de l’Air pourrait « profiter de la surcapacité britannique dès lors qu’un partage équitable des coûts a été trouvée ».

Il reste donc à attendre le 2 novembre prochain, date à laquelle se tiendra un sommet bilatéral franco-britannique et au cours duquel les projets de coopération en matière de défense seront dévoilés.

(*) Mutualiser les avions de patrouille maritime sera compliqué puisqu’il n’y aura pas grand chose à partager. Les Britanniques ont retiré du service leurs derniers Nimrod MR-2 sans qu’il y ait de successeurs. Quant à la France, seulement 7 Atlantique 2 seraient en état de vol sur 16 (du moins selon les déclarations du CEMM, l’amiral Forrissier devant la commission Défense de l’Assemblée, qui a indiqué que 40% des Atlantique2 en état de marche, soit 3, ont été envoyés au Sahel).

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