Le siège de la DGSE perquisitionné

Qu’est devenu Mehdi Ben Barka. L’on ne sait que très peu de choses. Le reste étant des hypothèses, des « confidences » dont on ne sait pas très bien si, au juste, elles sont dignes de foi. Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’opposant au roi marocain Hassan II a été enlevé le 29 octobre 1965 devant la Brasserie Lipp à Paris.

Deux policiers ont été condamné pour ce rapt : l’inspecteur principal Louis Souchon et son adjoint, Roger Voitot. L’affaire implique également un certain Antoine Lopez, alors chef d’escale d’Air France à Orly et accessoirement « honorable correspondant » du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), l’ancêtre de l’actuelle DGSE, ainsi que des membres de la pègre parisienne. Ces hommes auraient agi selon les instructions du général Oufkir, lequel se « suicidera » quelques années plus tard après une tentative ratée de coup d’Etat contre le monarque marocain.

Depuis, l’affaire n’a jamais été faite sur cette affaire et que le corps de Mehdi Ben Barka, qui aurait été un informateur des services secrets tchécoslovaque selon l’hebdomadaire l’Express, n’a pu être retrouvé.

Les autorités marocaines ne sont pas presser de coopérer et font porter l’entière responsabilité de la disparition de Ben Barka sur le général Oufkir, dont il fort peu probable qu’il ait agi de sa propre initiative. Près de 45 ans après les faits, l’enquête se poursuit en France, avec le juge d’instruction Patrick Ramaël.

En octobre 2007, ce dernier a signé 5 mandats d’arrêts internationaux, aux noms du général Hosni Benslimane, le patrron de la gendarmerie royale marocaine, Abdelhak Kadiri, ancien chef de la DGED (Direction générale des études et de la documentation), Miloud Tounsi (ou Larbi Chtouki), soupçonné d’avoir fait partie du commando qui aurait éliminé Ben Barka, ainsi que deux agents du Cab, une unité secréte des services marocains. Seulement, en 2009, le Parquet de Paris a suspendu ces mandats d’arrêt, estimant qu’ils manquaient de « précisions » pour qu’ils soient « exécutables ».

Mais le juge Ramaël n’a pas baissé les bras. Et c’est donc dans le cadre de son enquête qu’il a perquisitionné le siège de la DGSE à deux reprises, le 29 juillet et le 3 août dernier, a-t-on appris ce 11 octobre.

C’est la première fois qu’une perquisition dans un lieu aussi sensible qu’est le boulevard Mortier (ndlr, siège de la DGSE) a lieu après l’adoption, en juillet 2009, des nouvelles dispositions concernant la protection du secret défense, lesquelles avaient été l’objet de vifs débat au Parlement étant donné qu’elles ont instauré la classification non seulement des documents mais aussi des lieux où ils sont stockés.

Accompagné du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), le juge Ramaël a demandé, une fois sur place, la déclassification temporaire des lieux au ministre de la Défense, Hervé Morin, lequel le lui a accordé.

Ainsi, le juge Ramaël a fait saisir 23 dossiers remontant à l’époque du Sdece. Ces derniers ont été mis sous scellés par le président de la CCSDN, laquelle publiera à la fin de la semaine son avis de déclassification des documents saisis. Le ministre de la Défense aura alors à suivre ou non l’avis rendu par la Commission. Les dossiers qui intéressent le juge concerne le roi Hassan II, le général Oufkir, Mehdi Ben Barka, des gens de la pègre parisienne ainsi que des correspondants du Sdece.

Pourquoi le juge Ramaël s’est-il intéressé aux archives du Sdece? Ce n’est pas la première fois que des documents émanant de l’ancêtre de la DGSE ont été déclassifiés. Cela a déjà été le cas lors de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, puis en 2001. Plus récemment, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, a déclassifé 73 documents concernant la disparition de Ben Barka.

Le nom du Sdece apparaît à plusieurs reprises dans cette affaire. On l’a vu, Antoine Lopez, qui a été condamné, était un correspondant du service français. Mais un autre responsable a eu à subir les foudres de la justice : le colonel Le Roy-Finville.

Mis en cause dans l’affaire Ben Barka pour ne pas avoir informé ses supérieurs de ce qu’il savait sur le complot qui se préparait, ce dernier, alors patron du Service 7, l’une des unités les plus secrètes du Sdece chargées de récupérer des documents secrets par des moyens pas toujours orthodoxes, avait été suspendu de ses fonctions. Après 4 mois passé à la prison de La Santé, sous l’inculpation de « non-dénonciation de crime », Le Roy-Finville avait été finalement acquitté en 1967.

Par ailleurs, la CIA doit posséder beaucoup de renseignements au sujet de la disparition de Ben Barka : dès 1976, la Centrale de Langley a en effet reconnu posséder 1.800 documents ayant trait à cette affaire. Seulement, ils n’ont toujours pas été déclassifiés.

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