Le ferme appel adressé au président Karzaï pour lutter contre la corruption

Dans entretien accordé au Figaro le 2 mars 2002, Hamid Karzaï, alors président du gouvernement provisoire afghan, avait affirmé ses priorités : la constitution d’une armée nationale et l’éradication de la production de drogue. A l’époque, un premier bataillon, fort de 600 hommes, devait être constitué et un rapport des Nations unies avait établi une recrudescence des plantations de pavot.

Plus de huit ans plus tard, l’Afghanistan n’est toujours en mesure d’assumer sa sécurité sans le soutien des forces de l’Otan et 93% de la consommation mondiale d’héroïne est due à la production afghane de pavot, laquelle sert à financer les mouvements insurgés, notamment dans le sud.

Aussi, quand le président Karzaï promet de s’attaquer à la corruption, endémique en Afghanistan, l’on est tenté de penser que c’est un énième effet d’annonce, d’autant plus que des personnes de son entourage sont soupçonnées d’en bénéficier.

Seulement, quand il s’agit, pour les troupes de l’Otan, de « conquérir les coeurs et les esprits » des populations civiles, apparaître comme étant une force de soutien à des autorités corrompues ne facilite pas la tâche.

Au début de l’été, par exemple, le Wall Street Journal avait révélé que plus de 3 milliards de dollars d’aides avaient quitté illégalement l’Afghanistan depuis 2007. Et le Washington Post avait surenchéri en indiquant que les enquêtes sur des affaires de corruption étaient régulièrement entravées par des responsables afghans.

Selon l’Integrity Watch Afghanistan (IWA), un organisation afghane, la corruption pèse plus d’un milliard de dollars dans le Produit intérieur brut (PIB), dont 70% est généré par la culture du pavot.

Il ne faut guère s’étonner, alors, de la 179e place (sur 180) occupée par l’Afghanistan dans le classement établi par l’organisation Transparency International en matière de corruption. Et cela inquiète les Etats-Unis. Pour donner un signal au président Karzaï, la présidente de la Commission pour l’attribution de l’aide internatinale de la Chambre des représentants avait bloqué, à la fin du mois de juin, le versement de 3,9 milliards de dollars à l’Afghanistan au titre de l’année budgétaire 2011. « Trop d’Américains souffrent de la conjoncture économique pour que l’on mette des dollars gagnés durement dans les mains de criminels étrangers » avait-elle justifié par voie de communiqué.

Au début du mois, le président Karzaï a ordonné de passer en revue les activités de deux organismes anti-corruption, à savoir le Groupe de lutte contre la grande criminalité et le Bureau des enquêtes spéciales, qui travaillent sous la coupe des Services spéciaux afghans (NDS), avec le soutien de conseillers internationaux.

Cette initiative a-t-elle pour but de lutter encore plus efficacement contre la corruption? Pour le Wall Street Journal, il s’agirait surtout de freiner les enquêtes qui visent des proches du président afghan.

Aussi, l’ancien candidat démocrate à la Maison Blanche en 2004, John Kerry, actuellement président de la Commission des Affaires étrangères au Sénat, a mis les pieds dans le plat, lors d’une visite à Kaboul, le 17 août. Selon lui, la lutte contre la corruption est un des « défis les plus importants pour l’Afghanistan et pour ses alliés ». Mais visiblement, selon lui, les autorités afghanes sont loin d’en faire assez pour le relever.

« Je pense que la réponse du gouvernement afghan en termes d’efforts dans la lutte anti-corruption est un test clé de sa capacité à regagner la confiance des gens et à fournir au peuple américain le genre de gouvernance qu’il est prêt à soutenir avec les dollars du contribuable, mais plus encore avec le trésor de notre pays, c’est à dire les vies de ses hommes et femmes » a ainsi déclaré John Kerry. « Il serait très, très difficile pour nous de regarder les familles américaines dans les yeux et de leur dire que ça vaut la peine de mourir pour ça », a-t-il ajouté.

Cela étant, le détournement de fonds en Afghanistan n’est pas toujours pratiqué par des officiels locaux. La preuve avec l’enquête criminelle qui a été ouverte à l’encontre du groupe américain Louis Berger. Cette entreprise, dont le siège est à Morristown, dans le New Jersey, est suspectée d’avoir majorée des factures à l’agence de développement des Etats-Unis, qui a la charge de superviser des projets de reconstruction à l’étranger.

En Afghanistan, le groupe a obtenu un contrat d’un montant de 1,4 milliard de dollars pour la construction de routes et de centrales électriques. Et selon l’agence de développement américaine, le projet de bâtir une centrale au diesel dans les environs de Kaboul aurait coûté trois fois plus cher que prévu.

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