L’Irak appréhende le retrait militaire américain

« Le président Obama ne peut pas nous quitter ainsi. Il laisse l’Irak aux loups. Quand on fait une erreur, il faut la rattraper, il ne faut pas laisser l’Irak mourir ». Celui qui a prononcé ces mots, rapportés par le quotidien britannique The Guardian, n’est autre que Tarik Aziz, l’ancien ministre de Saddam Hussein, actuellement en détention pour « crime contre l’humanité ».

Le fait est, conformément à l’accord signé à la fin de l’année 2008 par Washington et Bagdad, les troupes américaines déployées en Irak ne compteront plus que 50.000 hommes et leur mission de combat prendra fin le 31 août prochain. Ce calendrier a été une nouvelle fois confirmé par la Maison Blanche la semaine passée et il est donc hors de question de le remettre en cause.

Mieux même : après le retrait définitif, prévu après 2011, seulement une centaine de militaires américains seront présents en Irak. Ils devraient être essentiellement affectés à un « bureau de coopération pour la sécurité », qui sera créé au sein de l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad.

« Nous allons faire en Irak ce que nous faisons dans de nombreux pays du monde avec lesquels nous avons une relation dans le domaine de la sécurité qui comprend la vente d’équipements (militaire) américains ou l’entraînement de leurs force » a ainsi expliqué Anthony Blinken, le conseiller pour la sécurité nationale du vice-président Joe Biden.

Seulement voilà, la situation en Irak est actuellement très délicate. Le pays peine à trouver un nouveau gouvernement après les élections législatives organisées en mars dernier et les attentats reprennent de plus belle. Le risque le plus immédiat est de voir les groupes terroristes relancer les tensions communautaires à la faveur de cette impasse politique.

En effet, et selon les statistiques irakiennes, le nombre de victimes d’attaques terroristes a augmenté significativement en juillet dernier, pour atteindre un niveau jamais atteint depuis deux ans, avec 535 morts, dont 396 civils, et 1.043 blessés.

Ces chiffres ont cependant été contestés par l’armée américaine, qui les a jugés « excessifs ». Elle a en effet réfuté « le fait qu’il y a eu 535 tués en juillet » et estimé « incorrect de dire qu’il s’agit du mois le plus sanglant depuis 2008 ». Et de présenter ses propres chiffres : il n’y aurait ainsi eu « que 222 tués (dont 161 civils) et 782 blessés par des opérations ennemies ».

Reste que le début du mois d’août semble accréditer les statistiques irakiennes puisque plus de 100 personnes ont péri dans des attaques terroristes, dont une a visé, le week-end dernier, la ville à majorité chiite de Bassorah, jusque là relativement épargnée par les attentats (43 tués et 185 blessés).

« Je ne dis pas que la situation sécuritaire s’est détériorée, mais il y a des failles ici et là de temps en temps. En tout cas, les groupes armés ne seront pas capables de faire revenir l’Irak en arriére » a toutefois estimé Nouri al-Maliki, le Premier ministre irakien.

Mais la question de savoir ce qu’il se passera une fois l’armée américaine partie d’Irak se pose. Par exemple, les tensions au sujet de la région pétrolifère de Kirkouk, revendiquée par les Kurdes, est actuellement sous contrôle, grâce à la présence militaire américaine, qui agit conjointement avec les forces irakiennes et les peshmergas kurdes. Qu’en sera-t-il après 2011?

« A ce stade, le retrait se passe bien, parce qu’ils sont toujours là » a ainsi déclaré au journal britannique The Daily Telegraph, le lieutenant général Babakir Zebari, le chef d’état-major de l’armée irakienne, au sujet des militaires américains.

« Mais les problèmes commenceront après 2011, les hommes politiques doivent trouver d’autres moyens de combler le vide après 2011 » a-t-il poursuivi. « Si l’on me pose la question du retrait, je dirai aux hommes politiques que l’armée américaine doit rester jusqu’à ce que l’armée irakienne soit prête en 2020 » a encore estimé le général irakien.

Le fait est, les militaires irakiens manquent encore de moyens et comptent encore sur ceux de leurs homologues américains. Ainsi, seulement 11 chars Abrams M1A1 sur les 140 commandés ont été à ce jour livrés à l’Irak. Et encore, ces exemplaires n’ont été reçus que le 7 août… Normalement, la totalité de la commande devrait être honorée d’ici à 2011.

Autre exemple : Bagdad souhaite acquérir des Mirage F1 français. Mais là encore, les choses traînent et aucun accord n’a été trouvé pour l’instant. Enfin, la qualité des équipements militaires attendus par les militaires irakiens peut être sujette à caution. En 2008, l’Irak a fait le choix pour le moins étonnant de commander 20 avions d’entraînement de type Utva – Lasta95, alors encore au stade de prototype et développé par une industrie aéronautique serbe déliquescente, alors que d’autres appareils de la même catégorie étaient disponibles sur le marché, tels que le Pilatus et le Tucano, les deux pouvant d’ailleurs être utilisés dans des opérations de contre-insurrection.

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