Karzaï ne veut plus de sociétés privées de sécurité en Afghanistan

Lors de son intervention devant les auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) en avril dernier, l’ancien commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), le général Stanley McChrystal, avait estimé que le Pentagone gaspillait de l’argent en employant un trop grand nombre de salariés de sociétés privées de sécurité (les « contractors », ndlr) en Afghanistan.

« Nous avons créé nous-même une dépendance par rapport aux contractors plus importante qu’elle ne devrait l’être » avait-il affirmé. « Je pense que nous avons été trop loin. Je pense que le recours aux contractors a été fait avec de bonnes intentions afin de limiter le nombre de militaires déployés. Je pense que dans certains cas, nous espérions que cela ferait économiser de l’argent. Et je pense que cela n’en économise pas » avait-il ajouté.

Un rapport du Congrès américain a d’ailleurs établi que l’US Central Command, chargé de l’Asie centrale et du Moyen Orient, avait eu recours, en 2009, à 104.100 employés de sociétés militaires privées (SMP), essentiellement pour des missions liées à la logistiques, à la protection de sites et de convoi et au renseignement. Pour la plupart, ces salariés sont recrutés localement.

La présence de ces compagnies en Afghanistan ne plaît pas au président Karzaï. « De manière très urgente et très sérieuse, nous voulons que les étrangers cessent de créer des sociétés de sécurité privés » a-t-il ainsi déclaré le 7 août, lors d’une visite à l’Institut afghan de service civil.

Le président Karzaï estime que ces sociétés ne servent pas l’intérêt de son pays et qu’au contraire, elles « ont crée des problèmes de sécurité ». « Si quelqu’un veut réellement être au service des Afghans, il faut rejoindre la policie nationale afghane » a-t-il lancé.

Pourtant, ces compagnies privées de sécurité, qui emploient 40.000 personnes en Afghanistan, sont amenées à travailler avec les forces internationales – au risque de créer une sorte de dépendance comme l’avait souligné le général McChrystal – mais aussi avec les organisations humanitaires et les entreprises qui espérent prendre une part des milliards de dollars promis à Kaboul par la communauté internationale pour la reconstruction et le développement du pays.

La police afghane a également recours aux services fournis par ce type de société. Par exemple, la SMP américaine DynCorp a passé un contrat pour la formation des policiers locaux.

Cepandant, ces entreprises de sécurité sont souvent à l’origine de polémiques. Comme Blackwater, aujourd’hui Xe Service, qui défraie régulièrement la chronique. Mais elle n’est pas la seule. En fait, le recours aux SMP peut se révéler finalement pervers, comme l’a souligné une récente enquête parlementaire américaine. « Cet arrangement a alimenté un vaste racket de protection géré par un réseau opaque de chefs de guerre, de chefs de bande, de responsables afghans corrompus, et peut-être d’autres personnes » avait déclaré, en juin dernier, le représentant démocrate John Tierney, président de la sous-commission sur la sécurité nationale.

Le document citait notamment la société Host Nation Trucking (HNT), à qui le Pentagone a confié la protection de 70% des convois d’approvisionnement en carburant, vivres et munitions. « HNT et les sous-traitants dans les transports en Afghanistan versent des dizaines de millions de dollars chaque année à des seigneurs de guerre locaux en échange d’une protection pour les convois », ce qui constitue « une source potentielle significative de financement pour les taliban » indiquait le rapport.

Et les sociétés privées de sécurité afghane ne sont pas exemptes de tout reproche. Comme Watan Risk Management. Bien que sa raison sociale est en anglais, elle a été créée par deux cousins du président Karzaï. Récemment, elle a été accusée de payer les services d’un chef de guerre local pour assurer la protection des convois dont elle a la charge entre Kaboul et Kandahar.

Reste qu’après sa sortie du 7 août, le président Karzaï, qui se serait entretenu avec les responsables de l’ISAF, a décidé, le 10 août, de lancer un plan afin de démanteler les sociétés privées de sécurité présentes sur le sol afghan, lequel « sera mis en place à n’importe quel prix », selon Waheed Omar, son porte-parole.

« La dissolution des compagnies privées de sécurité est un programme gouvernemental sérieux. La décision du président est clair et très bientôt, le président va fixer une date limite pour une dissolution des compagnies privées de sécurité », a-t-il précisé lors d’une conférence de presse.

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