Afghanistan : Les engrais restent les principaux composants des engins explosifs improvisés

Depuis le 1er juillet, l’armée de Terre dispose d’un centre contre-IED (C-IED) à Angers afin de former ses personnels à la lutte contre les engins explosifs improvisés, qui, largement utilisés par les insurgés en Afghanistan, sont responsables de la majorité des pertes humaines de la coalition internationale.

Ce centre devrait prochainement prendre une dimension interarmées, voire interministérielle, afin de pouvoir accueillir des démineurs de la sécurité civile. Comme l’indique l’armée de Terre sur son site, ce centre « respecte les principes de l’Otan en matière de formation contre-IED », ce qui se résume en trois points : empêcher la pose de bombes artisanales (attaquer le réseau, ce qui, en langage otanien, se dit « attack the Network », le cas échéant, les détecter pour pouvoir les neutraliser, voire les détruire ou en réduire les effets (« Defeat the Device ») et enfin former et entraîner aux savoir-faire tactiques et techniques de lutte contre les engins explosifs improvisés.

Les bombes artisanales, comme leur nom le suggère, sont assemblées avec les moyens du bord. Elles peuvent être conçues à partir de vieilles munitions comme des mines par exemple. Et en Afghanistan, ce n’est pas si compliquée à trouver. Sauf que les IED posés par les insurgés sont principalement conçus avec des engrais chimiques mis dans une cocotte-minute ou, plus rudimentaire encore, entre quelques planches en bois.

Pour lutter contre les engins explosifs improvisés, il suffirait donc d’interdire l’usage de ces engrais, qui sont le nitrate d’ammonium et le nitrate de potassium, même s’ils sont utiles pour l’agriculture. En janvier dernier, le gouvernment afghan avait pris des mesures allant dans ce sens.

Ainsi, l’utilisation, la production, le stockage, l’achat et la vente de nitrate d’ammonium avaient été interdit. Les Afghans avaient 30 jours pour déclarer leurs stocks d’engrais aux autorités alors que la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) avait obtenu l’autorisation de les confisquer le cas échéant.

Plus de six mois après la mise en oeuvre de ces dispositions, la situation n’a apparemment que très peu évolué. Etant donné que de plus en plus d’IED sont posés au bord des pistes et que 20% de ces bombes artisanales (38% en 2008) sont conçues à partir de vieilles munitions, le taux d’utilisation d’engrais pour les fabriquer n’a pas bougé. Il était de 80% en 2009 – selon le ministère afghan de l’Intérieur – et il y a fort à parier qu’il soit égal, voire même supérieur en 2010.

Au moins deux explications peuvent être données. La première est que l’autorité du gouvernement afghan ne s’exerce pas sur l’ensemble du territoire. Difficile, en effet, d’aller vérifier l’existence ou pas de stocks d’engrais dans des zones tenues par l’insurrection.

La seconde est que ces produits sont importés du Pakistan voisin. C’est ce que le sous-secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, en charge des questions logistiques, a suggéré au début du mois. D’où la décision des autorités afghanes de renforcer les contrôles le long de la ligne Durand. Mais déjà qu’elles ont du mal à empêcher les infiltrations d’insurgés en territoire afghan, l’on peut se demander comment elles pourront saisir d’éventuelles cargaisons d’engrais en provenance du territoire pakistanais.

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