Les islamistes somaliens frappent en Ouganda

Pendant que les forces de l’Otan sont engagées en Afghanistan pour combattre les taliban et éviter notamment qu’al-Qaïda puisse bénéficier d’une base arrière comme cela a été le cas avant les attentats du 11 septembre 2001, la Somalie est en passe de servir – si ce n’est déjà le cas – de pays refuge aux sympathisants de la mouvance d’Oussama ben Laden. Ce dernier avait par ailleurs appelé, en mars 2009, au renversement de l’actuel président somalien, Sharif Cheikh Ahmed, qualifié « d’apostat ».

Depuis son accession à l’indépendance, en 1959, la Somalie n’a jamais vraiment été un pays stable, en raison de luttes claniques internes et de conflits avec ses voisins. A cela s’ajoute la famine qui touche les populations civiles. Mais, depuis 1991, et la destitution du président Mohammed Siyad Barre, le pays est en état de guerre civile.

La situation sécuritaire somalienne est très complexe. Il y a évidemment les problèmes liés à la piraterie maritime, qui ont conduit l’Union européenne, l’Otan et d’autres pays à déployer des forces navales au large de la Corne de l’Afrique. La légitimité du gouvernement transitoire, soutenu par la communauté internationale, est contestée par des groupes islamistes, à savoir les milices Shebabs, qui ont fait allégeance à al-Qaïda et le Hezb al-Islam. Ces deux mouvances sont également rivales et se combattent pour prendre le contrôle de localités stratégiques. En plus de ça, la Somalie est le terrain de jeu d’autres puissance. Ainsi, l’Erythrée soutiendrait les islamistes afin qu’un pouvoir hostile à l’Ethiopie soit mis en place à Mogadiscio.

Pour soutenir le gouvernement transitoire somalien, une force de l’Union africaine, l’AMISOM, armée par l’Ouganda et le Burundi, a été déployée en Somalie. Et, depuis le désastre de l’opération Restore Hope au début des années 1990, les Occidentaux se montrent prudent quant à une intervention militaire dans le pays. La priorité est donc donnée à la formation de l’armée somalienne pour l’Union européenne et aux raids ciblés visant des dirigeants d’al-Qaïda pour les Etats-Unis.

Depuis le mois de juillet, les combats se sont intensifiés à Mogadiscio, avec l’attaque par les combattants islamistes de casernes appartenant aux forces gouvernementales et à l’AMISOM. La majeure partie du territoire somalien est sous le contrôle des Shebabs, à l’exception notable de l’Etat du Somaliland, un îlot de relative stabilité au milieu de ce chaos, mais qui souhaite devenir indépendant. D’où l’appel du président Sharif Cheikh Ahmed, lors du sommet extraordinaire de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), le 5 juillet dernier.

« Je voudrais vous dire que la Somalie traverse l’une des phases les plus dangereuses de ces derniers temps et nous demandons de redoubler d’efforts pour mettre sur pied une stratégie militaire efficace » avait-il lancé à ses homologues des pays d’Afrique de l’Est. « La Somalie est aux mains d’al-Qaïda et de groupes extrémistes. La question somalienne requiert un traitement urgent » avait-il insisté.

« La situation sécuritaire récente n’augure rien de bon. Ceci, ajouté à la fin prochaine de la période de transition, appelle à un travail plus sérieux dans le temps qui nous est imparti » avait alors estimé Meles Zenawi, le Premier ministre éthiopien, dont l’armée s’était déployée en Somalie lors de l’avancée des Tibunaux islamiques en décembre 2006, avant de s’en retirer deux ans plus tard.

Finalement, les six pays membres de l’IGAD décidèrent de renforcer le contingent de l’AMISOM de 2.000 hommes afin de répondre à l’urgence de la situation. Sans surprise, les militants shebab, réunis la semaine passée à Beledweyne, dans le centre de la Somalie, en ont appelé à une intensification de la guerre sainte.

« Les ennemis d’Allah se sont rencontrés en Ethiopie il y a quelques jours et se sont mis d’accord pour combattre le Saint Coran » a ainsi déclaré cheikh Yussuf Said Ugas, l’un des dirigeants de la milice islamiste. « A présent, nous sommes réunis pour nous unir et les combattre. Nous nous battrons à mort jusqu’à ce que nous hissions le drapeau islamique sur ce pays et établissions un Etat islamique » a-t-il annoncé.

Aussi, et pour la première fois, les milices Shebab ont frappé à l’extérieur du territoire somalien, en commettant, le 11 juillet au soir, deux attentats à Kampala, la capitale de l’Ouganda.

Les deux attaques, sans doute suicides, portent la marque d’al-Qaïda. En effet, elles ont été réalisés simultanément, en deux points opposés de la ville. La première a visé l’Ethiopian Village, un lieu prisé par les noctambules à Kampala tandis que le second a frappé le Lugolo Rugby Club, vers la fin de la finale de la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Au total, 74 personnes y ont perdu la vie.

Pour l’instant, il est n’est pas question pour l’Ouganda de se retirer de l’AMISOM alors qu’elle en forme l’ossature. Mais il apparaît que la force de l’Union africaine n’est pas en mesure de renverser la situation en Somalie, où, par ailleurs, des combattants étrangers, s’établissent en nombre.

Par ailleurs, les attentats de Kampala prouvent que les islamistes somaliens sont en mesure de mener des actions relativement loin de leurs frontières. Et cela a de quoi inquiéter les Etats limitrophes de la Somalie, à commencer par le Kenya où al-Qaïda avait visé, en août 1998, l’ambassade américaine à Nairobi et la clientèle israélienne d’un hôtel à Mombasa en 2002.

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