Le général Desportes sera sanctionné

« Quand les talons claquent, la tête se vide ». Cette phrase n’a pas été prononcée par Pierre Desproges mais par le maréchal Lyautey, le pacificateur du Maroc et l’inspirateur des stratégies de contre-insurrection actuelle.

En matière de contre-insurrection (COIN), le général Vincent Desportes, le directeur du Collège interarmées de défense (CID), n’a pas caché son scepticisme sur la façon dont elle est appliquée par l’Otan en Afghanistan, sur la base des directives édictées par le général McChrystal, récemment relevé de son commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) pour être remplacé par le général Petraeus, l’officier américain qui a sorti de l’oubli les thèses du colonel français David Galula sur le sujet.

Dans l’entretien qu’il a accordé au Monde (édition du 2 juillet), le général Desportes a également critiqué le flottement de l’administration américaine quant aux solutions à apporter pour régler le problème afghan. Le général McChrystal espérait, en septembre 2009, au moins 80.000 hommes en renfort. Il n’en a obtenu que 30.000. Or, pour le directeur du CID, « on ne fait pas de demi-guerres ».

« De nombreuses personnes considèrent qu’un effort n’a pas besoin d’ête total pour porter ses fruits. Un saut court est plus facile qu’un long, mais personne n’en conclura que pour traverser un large fossé, il faille d’abord sauter au milieu » avait dit Clausewitz. Et cela peut s’appliquer au théâtre afghan.

Des doutes sur le déroulement des opérations en Afghanistan, l’on peut légitimement en avoir, sans pour autant remettre en cause le travail qui est fait sur le terrain, sans passer sous silence les progrès accomplis.

Par exemple, en matière de contre-insurrection, il est capital de pouvoir compter sur la probité du gouvernement et des autorités locales. Il ne s’agit pas, alors que l’on veut « conquérir les coeurs et les esprits », donner l’impression de soutenir des dirigeants corrompus. Et la récente affaire, révélée par le Times et le Wall Street Journal, du détournement de 4,2 milliards d’aide, n’est pas faite pour arranger les choses.

Cela étant, les critiques formulées par le général Desportes ont été qualifiées de « faute » par l’amiral Edouard Guillaud, le chef d’état-major des armées (CEMA). Ce dernier a convoqué le directeur du CID pour s’en expliquer. Et quand bien même l’auteur de « La guerre probable » sera mis en retraite dans moins de deux mois, il sera sanctionné.

C’est ce qu’a indiqué Hervé Morin, le ministre de la Défense, ce 7 juillet, lors d’un entretien accordé à RMC et BFM-TV. « J’ai évoqué ce sujet avec le chef d’état-major des armées et le chef d’état-major de l’armée de Terre (ndlr, le général Irastorza)puisque la procédure veut que la proposition de sanction soit faite par le chef d’état-major de l’armée de Terre » a-t-il déclaré.

« Mais j’ai clairement indiqué au général Irastorza que le général Desports est soumis à une obligation de réserve » qui lui impose « de ne pas manquer de discernement, et il a manqué de discernement » a encore expliqué le ministre. « Jusqu’à nouvel ordre, les militaires sont sous l’autorité des politiques, comme chaque fonctionnaire » a-t-il rappelé.

Sauf que, à aucun moment, le général Desportes n’a émis la moindre critique à l’égard de l’exécutif français ni même remis en cause l’engagement de la France en Afghanistan.

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