Nouvelle affaire d’espionnage entre les Etats-Unis et la Russie

Deux pays peuvent entretenir des relations pacifiées, voire même être alliés, et s’espionner mutuellement. En 2006, par exemple, des documents déclassifiés de la CIA ont montré que, entre 1946 et 1987, les Etats-Unis avaient déployés les grands moyens pour surveiller de près le programme nucléaire français, en ayant recours à des satellites pour mesurer les ondes électromagnétiques des essais, des avions espions U2, des navires de guerre et des espions infiltrés. Et il se dit même que ces activités d’espionnage ont continué dans les années 1990.

Aussi, que la Russie ait des espions aux Etats-Unis n’est, dans le fond, guère surprenant. D’autant plus que les relations entre ces deux pays ont été plutôt tendues au cours de ces dernières années, notamment à cause du projet de bouclier antimissile américain ou encore des candidatures de pays ayant appartenu à l’ancienne sphère d’influence soviétique, et plus généralement, en raison d’intérêts divergeants.

Les affaires d’espionnage entre Washington et Moscou sont nombreuses. Et depuis le 27 juin, une autre est venue d’ajouter à la liste, avec l’annonce par le FBI du démantèlement d’un réseau d’agents dormants de 11 personnes travaillant pour le compte du SVR, le service de renseignement extérieur russe, héritier du Premier directorate du KGB.

Selon l’acte d’accusation du département de la Justice, les membres de ce groupe, appelé les « illégaux » devaient « devenir suffisamment américanisés afin qu’ils puissent recueillir des informations sur les Etats-Unis pour la Russie et recruter des sources qui font partie, ou sont capables, d’infiltrer, les milieux dirigeants américains ». Ces espions « se voyaient remettre une fausse identité » par le SVR, afin de pouvoir « se faire passer pour un couple marié.

Et le moins que l’on puisse dire est que cette opération a été particulièrement bien élaborée puisque les agents arrêtés, vraisemblablement d’origine russe, avaient l’air de citoyens américains au-dessus de tout soupçon.

Tel est le cas de Donald Heathfield et de Tracey Foley. Installés à Cambridge, dans le Massachussetts, ces deux quadragénaires diplomés et parents de deux enfants, ont travaillé en qualité de consultants pour plusieurs grandes entreprises, telles que Boston Scientific ou encore General Electric. Idem pour le couple Murphy. La femme, Cynthia, était employé par une banque de New York pendant que l’homme, Richard, s’occupait des enfants.

Selon le FBI, ces espions « dormants » collectaient des informations concernant le marché de l’or, la guerre en Afghanistan et le traité Start. Ces renseignements étaient ensuite transmis à Moscou, via différents procédés tels que la stéganographie, qui consiste à faire passer un message dissimulé dans une image, ce qui est difficilement repérable, même sur Internet ou encore l’usage d’émetteurs à onde courte, comme au temps de la guerre froide.

Ce réseau d’espionnage est tombé après une enquête menée pendant 10 ans par le FBI. Les agents fédéraux ont bien préparé leur coup en visitant clandestinement les appartements des agents de renseignement présumés, en exerçant des filatures ou encore en se faisant passer pour des représentants russes.

Du côté de Moscou, la révélation de cette affaire a du mal à passer. « A notre avis, de telles actions ne sont en rien fondées et sont mal intentionnées » a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères. « Nous ne comprenons pas les causes qui ont poussé le département américain de la Justice à faire des déclarations publiques dans l’esprit des histoires d’espions du temps de la guerre froide » a-t-il encore affirmé par voie de communiqué. « Il est fort déplorable que tout cela ait lieu dans le contexte de la relance des relations russo-américaines, annoncée par l’administration des Etats-Unis elle-même » a-t-il poursuivi.

« La police s’est laissé aller chez vous. On met des gens en prison (…) Nous comptons que cela ne nuira pas à tout le positif accumulé ces dernières années. Nous espérons beaucoup que les gens qui tiennent aux bonnes relations le comprennent » a pour sa part déclaré le premier ministre russe Vladimir Poutine, lors d’une rencontre avec l’ancien président américain Bill Clinton.

La diplomatie américaine a toutefois cherché à minimiser l’importance de cette affaire. « Nous allons vers une relation plus confiante, nous avons dépassé la guerre froide et nos rapports le démontrent amplement » a affirmé le sous-secrétaire d’Etat américain en charge de l’Europe.

Cependant, beaucoup de réponses restent à apporter pour éclaircir cette affaire d’espionnage. Son but tout d’abord. Pourquoi les Russes auraient-ils pris la peine de monter une opération aussi complexe pour infiltrer le milieu politique américain qui est l’un des plus ouvert ou encore pour obtenir des informations pour la plupart disponibles en source ouverte? Le FBI a-t-il tout révélé sur les ramifications de ces agents russes?

D’autant plus que, à première vue, cette affaire n’a pas les mêmes conséquences que celles concernant Aldrich Ames, cet analyste de la CIA qui avait vendu des renseignements aux Russes pour plus de 2,5 millions de dollars, mettant ainsi en péril la sécurité d’agents travaillant pour le compte des Etats-Unis, ou encore John Anthony Walker qui avait transmis au KGB, de 1968 à 1985, tous les codes cryptographiques de l’US Navy, ce qui aurait joué un rôle dans la perte du sous-marin américain USS Scorpion.

Enfin, l’on peut se demander quelles sont les raisons qui ont poussé à révéler cette nouvelle histoire d’espionnage seulement maintenant, alors que l’enquêté qui a précédé le démantèlement de ce réseau d’agents a duré dix ans.

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