Violences éthniques au Kirghizstan

A première vue, le Kirghizstan n’a pas grand chose pour susciter la convoitise. Avec son économie principalement basée sur l’exportation de produits agricoles et l’exploitation de la mine d’or de Kumtor (qui représente 10% de son Produit intérieur brut), le pays est pauvre.

Seulement, de par sa position géographique, le Kirghizstan, qui partage des frontières avec la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan et l’Ouzbekistan, a une grande importance stratégique pour celui qui souhaite contrôler l’Asie centrale et ses ressources naturelles. C’est pourquoi la Russie y a établi une base militaire à Kant, dans le nord du pays.

Par ailleurs, la valeur stratégique du Kirghizstan est montée d’un cran depuis le 11 septembre 2001 et sa proximité avec l’Afghanistan. C’est la raison pour laquelle que les Etats-Unis ont loué la base de Manas, près de la capitale Bichkek, afin d’y établir un pont aérien avec le théâtre d’opérations afghan afin de pouvoir ravitailler les troupes de l’Otan et celles de la mission Enduring Freedom.

Par conséquent, aussi bien pour la Russie que pour les Etats-Unis, la stabilité politique du Kirghizstan est une priorité. Depuis 2005 et la révolution des Tulipes, le pays est traversé par des crises. La dernière en date remonte à avril dernier, avec le départ forcé du président Kourmanbek Bakiev vers la Biélorussie et son remplacement par Roza Otounbaïeva, nommée président intérimaire.

Cela a eu notamment des conséquences sur le fonctionnement de la base de Manas, l’armée américaine ayant été contrainte, au début de mois de juin, d’interrompre le remplissage des réservoirs de ses avions ravitailleurs KC135, faute d’accord sur le kérozène avec le gouvernement de transition.

Seulement, aux crises politiques s’ajoutent des tensions éthniques. Le Kirghisztan est en fait coupé en deux. Le pays compte 66% de Kirghizes, à l’origine un peuple nomade turcique, 14% d’Ouzbeks, principalement localisés dans le sud et 12% de Russes.

En mai dernier, des tensions entre Kirghizes et Ouzbeks ont donné lieu à des affrontements dans la région de Djalal-Abad. Mais depuis quelques jours, les violences se sont intensifiées et se sont étendues à la ville d’Och, avec au moins une centaine de morts, 1.200 blessés et des milliers de réfugiés en Ouzbékistan.

Devant cette situation, le gouvernement provisoire a proclamé l’état d’urgence et, preuve de son impuissance, a autorisé les forces de l’ordre à tirer sans sommation. kirghize peine à rétablir l’ordre, ce qui l’a conduit a autorisé les forces de sécurité à tirer sans sommation.

Par ailleurs, les autorités kirghizes ont sollicité l’aide militaire de la Russie. Mais Moscou n’a pas donné suite à cette requête et a seulement envoyé 150 parachutistes pour renforcer la protection de ses installations militaires. Toutefois, il est question que l’Organisation du traité de sécurité collective (ODKB), une alliance militaire qui rassemble les pays de l’Asie centrale de l’ancienne URSS, envoie une force de réaction rapide.

Les tensions éthniques sont endémiques dans le sud du Kirghizstan, notamment à cause du partage des terres arables et des ressources en eau. La vallée de Ferghana, où ont lieu les violences, fait, en outre, l’objet de différends territoriaux entre le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.

Et c’est aussi une zone de non-droit où sont établis des réseaux mafieux et des groupes islamistes, dont le Hizb ut-Tahrir et le Mouvement islamique d’Ouzbekistan (MOI), qui, proche des taliban et d’al-Qaïda, est combattu par le régime du président ouzbek Islam Karimov.

Les raisons de cette flambée de violence entre kirghizes et ouzbeks restent floues. Rumeur d’un viol commis par un ouzbek sur une femme kirghize? Assassinat d’un chef criminel kirghize?

Reste que le gouvernement intérimaire à Bichkek a accusé le président déchu, Kourmanbek Bakiev, originaire de Djalal-Abad, d’y jouer un rôle. Ainsi, ces troubles viseraient à déstabiliser le processus politique en cours, qui prévoit un référendum portant sur une nouvelle Constitution le 27 juin prochain.

Cette thèse est d’autant plus crédible que le sud du Kirghizstan a toujours été le fief de l’ancien président Bakiev et que son frère, Akhmat, est de mèche avec un chef mafieux, Aïbek Mirsidikov, dit Aïbek le Noir, déjà accusé d’être à l’origine des violences de Djalal-Abad en mai dernier.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]