Nouvelles accusations de collusion entre les taliban afghans et les services de renseignement pakistanais

Les conditions de l’arrestation, au début de cette année, du mollah Abdul Ghani Baradar, le chef militaire du mouvement taleb afghan et le numéro deux du mollah Omar, restent encore mystérieuse. En février dernier, le New York Times indiquait qu’elle se serait faite par hasard.

Encore faudrait-il relativiser la portée de cette capture. Actuellement aux mains de l’Inter-Service Intelligence (ISI), les services de renseignement pakistanais, le mollah Baradar était en froid avec la hiérarchie du mouvement taleb afghan. Pour au moins deux raisons : d’une part, il aurait été favorable de participer à des négociations avec le pouvoir à Kaboul et d’autre part, il n’appartient pas à la bonne tribu.

En effet, et c’est là la preuve de la complexité du système social afghan : bien que pachtoune, le mollah Baradar, est, comme le président Karzaï, issu de la tribu des Popolazai, laquelle est rivale, depuis on ne sait trop combien de temps, de celle des Ghilzai, à laquelle appartiennent les taliban de l’entourage du mollah Omar. Et ce dernier est membre de la tribu des Hotak, une branche de celle des Guilzai.

Ainsi, cette arrestation du mollah Baradar ne signifie pas pour autant un revirement majeur de l’ISI, qui a soutenu les taliban dès leur apparition sur la scène afghane dans les années 1990. Pour le Pakistan, cette politique obéissait à deux impératifs : il s’agissait, d’une part, de sécuriser l’Afghanistan pour permettre le commerce avec les républiques d’Asie centrale et poursuivre la construction d’un pipeline devant amener du pétrole jusqu’au port de Gwadar (avec toutes les royalties que cela suppose) et de disposer d’une profondeur stratégique face à son ennemi de toujours, à savoir l’Inde. Enfin, les proximités éthniques, voire religieuses, ont fait le reste.

En fait, et malgré les pressions américaines, l’intervention des forces de l’Otan en Afghanistan et même l’émergence d’un mouvement taleb pakistanais, le soutien de certains membres de l’ISI aux talibans afghans n’ont jamais été vraiment interrompues.

C’est ce qu’avait démontré une enquête du New York Times en 2009. Et c’est ce que confirme une étude de la très sérieuse London School of Economics (LSE), basée sur des entretiens avec 9 commandants taliban afghans réalisés au début de cette année.

« Même s’ils bénéficient d’un fort soutien interne, selon les commandants taliban, l’ISI orchestre, soutient et influence énormement le mouvement » indique l’auteur du document, Matt Waldman, un chercheur de l’université de Harvard.

Et toujours selon ce rapport, des membres de l’ISI auraient assisté à des réunions de la Choura de Quetta, c’est à dire le conseil suprême des taliban dirigé par le mollah Omar en personne. Si ces informations sont exaxtes, l’arrestation du mollah Baradar prendrait ainsi un éclairage nouveau.

L’étude de la LSE indique que les services pakistanais protégeraient également le réseau Haqqani, très actif dans l’est de l’Afghanistan et qui a établi ses bases arrières dans le Nord-Waziristan, la zone tribale pakistanaise où se seraient réfugiés les principaux dirigeants d’al-Qaïda et au sujet de laquelle Washington presse Islamabad d’entreprendre une offensive militaire. Cela étant, les liens de l’ISI avec Haqqani sont anciens : ils datent de l’époque de l’invasion soviétique.

Cependant, les services secrets pakistanais sont un Etat dans l’Etat. Depuis 2001, ils ont subi plusieurs « purges » pour évincer ses éléments ayant des sympathies affichées pour les islamistes radicaux. Seulement, il semblerait que cela ait été insuffisant, d’autant plus que certaines composantes de l’ISI, comme la mystérieuse S Wing, fassent comme bon leur semble sans se préoccuper des intentions du gouvernement pakistanais.

Plus sur le sujet : pour les anglophones, lire ce papier de l’Afghanistan Times Daily, pour qui le soutien de l’ISI aux taliban n’est pas une surprise (on s’en doute…)

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