Situation potentiellement instable au Cameroun

Après la Côte d’Ivoire et la Guinée, le Cameroun? Selon un rapport publié à la fin du mois dernier par l’International Crisis Group, ce pays, qui a révisé son accord de défense avec la France l’an passé, pourrait connaître prochainement une période d’instabilité susceptible de se prolonger au-delà la prochaine élection présidentielle prévue en 2011.

Pour l’instant, le Cameroun passe pour être l’un des pays le plus stable d’Afrique centrale et occidentale. Seulement, plusieurs signaux laissent présager un changement de situation.

« L’éventuelle capacité du Cameroun à jouer un rôle positif dans la région et à éviter d’être entraîné dans toutes sortes de conflits transfrontaliers dépend de l’amélioration de la gouvernance et de sa capacité à traiter les sources d’instabilité à l’intérieur de ses frontières » a estimé Richard Moncrieff, le directeur du projet Afrique de l’Ouest de l’ICG.

Ainsi, le premier risque est politique. L’actuel président camerounais, Paul Biya, est en fonction depuis 1982. Et les violentes manifestations qui ont eu lieu en avril 2008 lors de l’adoption d’un amendement à la Constitution visant à supprimer la limitation du nombre de mandats sont un signe qu’une partie de la population attend un réel changement à la tête du pays. D’autant plus que la dernière élection présidentielle, remportée avec 75% des suffrages par Paul Biya en 2004, ont été vivement contestées.

Et quand bien même l’actuel président passerait la main – à plus de 77 ans – il n’est pas dit que la transition se fasse dans le calme. Par ailleurs, le Cameroun compte au moins 200 éthnies (dont les Bassa, Peuls, Bamiléké, Yabassi…) réparties en trois religions (chrétienne, animiste, musulmane) dont l’appartenance dépend de la situation géographique (le nord, par exemple, est dominé par les musulmans tandis que les protestants sont plus nombreux dans les provinces anglophones et sur le littoral). Cette situation a de quoi faire penser à celle qui prévalait en Côte d’Ivoire, avant les troubles politiques de 2002.

A cela s’ajoute le problème de la corruption. Selon l’organisation Transparency International, chaque ménage camerounais aurait déboursé, en 2005, plus de 100.000 francs CFA en moyenne (soit un peu plus de 155 euros) en pots-de-vin, soit entre le tiers et le cinquième des revenus pour les moins aisés. L’indice de perception de la corruption (IPC), élaboré par cette ONG, ne cesse de progresser depuis 1998 pour s’établir à 2,3 en 2006.

Enfin, il y a la question économique, qui pourrait être la cause première d’une destabilisation politique du pays. Pourtant, le Cameroun dispose d’atouts non négligables, notamment avec ses produits agricoles (bois, coton, café, cacao, sucre, caoutchouc) et ses ressources halieutiques (64.000 tonnes de produits marins par an), naturelles (bauxite, fer, houille blanche, cobalt, nickel, diamant, etc…) et énergétiques, avec le gaz naturel et le pétrole, dont la production accuse toutefois une baisse de 13% par rapport au premier semestre 2009.

Seulement, la population ne profite pas des recettes liées à ces productions. Le chômage est estimé à 30% (selon le World Factbook de la CIA) et près de 75% de la population urbaine tirerait ses ressources du secteur informel (travail non déclaré et à faibles revenus). Le pays est par ailleurs peu industrialisé et dépend donc fortement des cours des matières premières. Cela s’explique en partie par la faiblesse de la production d’électricité, qui entrave les projets visant à diversifier l’économie camerounaise.

Exemple de cette mauvaise « gouvernance économique » : d’après trois ONG, les royalties liées à l’exploitation de l’oléoduc qui transporte le pétrole tchadien au terminal de Kribi, au Cameroun, n’ont pas été affectées aux projets sociaux, comme cela avait été initialement promis. A la fin de l’année 2009, le gouvernement camerounais avait empoché 100 milliards de francs CFA.

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