Le Conseil constitutionnel censure des dispositions relatives à la « cristallisation » des pensions

Lors de la décolonisation, le gouvernement du général de Gaulle avait décidé de geler les pensions de retraite des anciens combattants ayant servi sous le drapeau français mais ayant désormais la nationalité d’un pays affranchi de la tutelle française. C’est ce que l’on a appelé la « cristallisation des pensions ».

Cette mesure avait été prise en raison du trop grand écart de pouvoir d’achat entre la France et ses anciennes colonies. Elle avait d’ailleurs été perçue favorablement par les chefs des Etats nouvellement indépendants pour au moins deux raisons : d’une part, ces anciens combattants étant les plus attachés à la France, la cristallisation de leurs pensions permettait de limiter leur influence dans la société et, d’autre part, cela évitait d’avoir des citoyens mieux payés que les fonctionnaires locaux.

Jusque dans les années 1970, la cristallisation des pensions n’a guère posé de problèmes. Sauf que, avec le choc pétrolier de 1973-1974 et l’apparition d’une forte inflation, les inégalités entre anciens combattants français et africains sont apparues.

En 2006, sous la présidence de Jacques Chirac, ces retraites et autres pensions d’invalidité versées à ces combattants venues des colonies, avaient déjà été en partie « décristallisées ». « Il n’y aura plus de différence dans ces deux prestations, que sont la retraite des combattants et la pension d’invalidité, entre les ressortissants de ces pays et les nationaux français. (…) Nous passons de l’équité à l’égalité » avait alors déclaré Hemlaoui Mekachera, le ministre délégué aux Anciens combattants de l’époque.

Sauf que ces mesures de décristallisation ont été manifestement insuffisantes car, par exemple, elles n’ont pas concerné ceux qui, originaires des colonies, s’étaient engagés dans l’armée française sans avoir pris part à un conflit. Ils sont 24% environ à être dans cette situation.

Aussi, le Conseil constitutionnel a été saisi de ce problème via la procédure dite de « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) instaurée lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008 et entrée en vigueur le 1er mars dernier.

Ainsi, concernant la question posée par deux requérants, à savoir Mme Kheddidja Labanne et son fils, les Sages ont censuré, ce 28 mai, des dispositions de la loi du 3 août 1981 relative aux pensions des anciens combattants algériens de l’armée française, de la loi de finances pour 2003 et de celle pour 2007 concernant la cristallisation.

Le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire sur le fait que, en raison des disparités de pouvoir d’achat et de coût de la vie, des pensions pouvaient être différentes selon qu’un ancien combattant réside en France ou dans une ancienne colonie française mais il a en revanche estimé que, dans un même pays de résidence, il ne devait pas y avoir de différence de traitement entre deux vétérans de nationalité différente ayant les mêmes droits.

Conséquence : la décision du Conseil constitutionnelle devra être appliquée à compter du 1er janvier 2011. Cette remise à niveau qu’elle va entraîner concernera environ une dizaine de milliers de bénéficiaires, pour un coût d’une dizaine de millions d’euros.

« Le gouvernement prend acte de la décision du Conseil constitutionnel de censurer les dispositions relatives à la cristallisation des pensions » a indiqué Hubert Falco, le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens combattants, par voie de communiqué. Ce dernier devra ainsi s’employer « à rédiger de nouvelles dispositions législatices dans les délais fixés par le Conseil, afin de faire respecter le principe d’égalité ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]