Attentat manqué de Times Square : Des preuves de l’implication des taliban pakistanais, selon Washington

L’enquête concernant l’attentat manqué de Times Square, à New York, le 1er mai dernier, confirme la piste du mouvement taleb pakistanais (Tehrik-e-Taliban, TTP), lequel avait d’ailleurs revendiqué cet acte en diffusant une vidéo montrant son chef, Hakimullah Mehsud, que l’on croyait mort dans un raid aérien mené au début de cette année.

« Nous avons rassemblé des preuves montrant que les taliban pakistanais étaient derrière l’attentat » a déclaré Eric Holder, le secrétaire américain à la Justice, lors d’une intervention sur la chaîne de télévision ABC, le 9 mai.

Le principal suspect dans cette affaire, Faisal Shahzad, à qui il est reproché d’avoir piégé puis garé une voiture dans Times Square, a obtenu la nationalité américaine il y a à peine un an. En outre, et si l’on en croit le New York Times, il aurait été influencé par Anwar al-Aulaqui, dont le nom revient dans la plupart des enquêtes menées sur les actes de terrorisme. Cet imam radical né aux Etats-Unis de parents syriens aurait eu des contacts avec le psychiatre militaire Nidal Hassan responsable de la tuerie de Fort Hood, en novembre 2009 (13 tués) et le jeune Nigérian, Umar Farok Abdulmutallab, l’auteur de la tentative d’attentat contre le vol Amsterdam-Detroit le jour de Noël dernier.

Avant de passer à l’acte, Faisal Shahzad a effectué un séjour de quelques mois dans son pays d’origine, à savoir le Pakistan. Et c’est donc là qu’il aurait rencontré non seulement des dirigeants du TTP mais aussi suivi un entraînement pour manipuler les explosifs. Les enquêteurs américains « pensent que Shazad s’est rendu dans le Waziristan du Sud et a rencontré Qari Hussain et Hakimullah Mehsud. Mais tout cela a besoin d’être confirmé » a indiqué, de son côté, Rehman Malik, le ministre pakistanais de l’Intérieur.

Quoi qu’il en soit, le mobile de cet attentat manqué puise sa source dans les frappes aériennes qui ont visé les dirigeants du TTP ces derniers mois. Selon un responsable du mouvement taleb afghan, cité par le magazine Newsweek, une action de ce type était même « attendue ».

« Les taliban pakistanais étaient déterminés à se venger après les attaques de drones qui ont tué leur chef, Baïtullah Mehsud, et celle, plus récente, qui a failli coûter la vie à son successeur » a-t-il déclaré. « Ils ont désespérément chercher à prendre leur revanche contre les Américains, en Amérique » a-t-il ajouté.

Cela étant, pour Eric Holder, il apparaît clair que les taliban pakistanais « ont désormais une importance nouvelle » dans la lutte « anti-terroriste ». Le secrétaire à la Justice s’est dit « satisfait » de la collaboration des autorités pakistanaises à l’enquête mais il a aussi averti que Washington prendrait des « mesures qui conviennent » si cela venait à changer.

Cette déclaration vient en écho à celle de la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, qui a clairement mis en garde Islamabad des « conséquences très graves » qui découlerait si jamais une tentative d’attentat fomenté au Pakistan venait à réussir sur le territoire américain. En clair : si les autorités pakistanaises n’arrivent pas à prendre le dessus sur les terroristes qui ont trouvé refuge dans les zones frontalières avec l’Afghanistan, les Etats-Unis pourraient agir à leur place, ce qui pourrait passer par un renforcement de leur contingent fort de 200 hommes présents dans le pays, à des fins de formation et de renseignement au profit de l’armée pakistanaise.

Cependant, et depuis le lancement de plusieurs offensives contre les fiefs taliban, notamment dans la vallée de Swat, la zone du Sud-Waziristan et le district d’Orakzaï, l’armée pakistanaise ne parvient pas à reprendre complètement les choses en main.

Ainsi, le mois dernier, plusieurs chefs de tribu loyalistes ont été abattus dans la région de Swat, vraisemblablement par des combattants taliban, lesquels en avaient été « chassés » l’an passé. Dans le district d’Orakzaï, une offensive a été lancée le 24 mars dernier pour y déloger les militants du TTP, notamment les 2.000 combattants de Hafiz Gul Bahadur, un commandant taliban qui a combattu en Afghanistan. Et manifestement, les militaires pakistanais y éprouvent de grandes difficultés. Le 10 mai, neuf d’entre eux ont été tués au cours de combats qualifiés de plus violents depuis le début de l’opération.

Enfin, l’offensive lancée en octobre 2009 contre le fief des taliban pakistanais, le Sud-Waziristan, la région natale d’Hakimullah Mehsud, ne semble pas avoir eu les effets escomptés. Si l’armée pakistanaise a pu s’emparer des positions les plus faciles, la plupart des insurgés ont trouvé refuge au Nord-Waziristan, une autre zone tribale où est supposé avoir trouvé refuge les dirigeants d’al-Qaïda et les djihadistes afghans du réseau Haqqani, qui entretient un foyer d’instabilité dans l’est de l’Afghanistan.

Et c’est encore au Nord-Waziristan qu’aurait été entraîné l’auteur présumé de la tentative d’attentat de Times Square. Et c’est aussi dans cette région qu’aurait été vu Hakimullah Mehsud.

Aussi, Washington presse Islamabad de s’attaquer enfin à ce bastion de l’islamisme radical. En déplacement au Pakistan, où il a rencontré le général Ashfaq Kayani, le chef de l’armée pakistanaise, le chef de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), sous commandement de l’Otan, le général Stanley McChrystal a une nouvelle fois demandé la planification d’une offensive au Nord-Waziristan. En vain. Du moins pour le moment.

Trois raisons peuvent expliquer les réticences d’Islamabad a se lancer dans une opération au Nord-Waziristan. La première concerne les activistes islamistes du Pendjab du Lashkar-e-Taiba (LeT), autrefois aidés, armés et entraînés par les services secrets pakistanais (Inter-Service Intelligence, ISI) pour mener des opérations au Cachemire indien, source de tension avec New Delhi depuis l’indépendance.

En cas d’une opération dans le Nord-Waziristan, les autorités pakistanaises redoutent une alliance entre les taliban et les activistes du LeT, fort de 2.000 hommes et d’au moins 20.000 sympathisants.

La seconde raison tient au fait qu’Islamabad chercherait à préserver le mouvement taleb afghan, notamment le réseau Haqqani, afin de se ménager une influence future en Afghanistan le cas échéant. Cet élément n’est pas nouveau : c’est grâce au Pakistan que les amis du mollah Omar ont pris le pouvoir dans les années 1990. Le but de la manoeuvre était de mettre un terme à l’instabilité chronique afghane et de pouvoir bénéficier d’une profondeur stratégique face à l’Inde.

D’où la troisième raison au refus d’intervenir au Nord-Waziristan. En effet, Islamabad n’entend pas trop dégarnir sa frontière face à l’armée indienne, laquelle pourrait riposter dans le cas d’une nouvelle attaque terroriste. La perspective d’un tel scénario n’enchante guère Washington, d’autant plus qu’il s’est déjà produit après l’attaque du parlement de Delhi le 13 décembre 2001.

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