La France aurait mis en balance des contrats d’armement pour aider financièrement la Grèce

La Grèce a beaucoup dépensé pour équiper ses forces armées, notamment à cause du conflit larvé qui l’oppose à la Turquie. Ainsi, le budget grec de la défense, ramené au PIB, est le second des pays de l’Otan, juste derrière celui des Etats-Unis.

Cela étant, il serait sans doute un peu trop rapide de penser que ces dépenses militaires expliquent pour une bonne part l’état désastreux des finances publiques grecques. D’autres facteurs sont en mettre en cause, comme la simple mauvaise gestion des deniers de l’Etat, une fonction publique pléthorique avec 800.000 fonctionnaires ou encore des avantages sociaux de plus en plus difficile à financer car extrêmement généreux (la retraite à 53 ans est sans doute unique en Europe).

Cependant, l’armée grecque n’échappera pas aux coupes sombres. De toute manière, si la Grèce veut obtenir un prêt de 110 milliards d’euros sur trois ans pour faire face à ses échéances et ramener son déficit budgétaire de 14% à 3% d’ici à 2014, elle n’a plus trop le choix.

Toutefois, le budget de la Défense grec devra se plier à l’austérité décrétée par Athènes. En 2010, les dépenses de fonctionnement vont baisser de 10,8%, de même que celles consacrées à l’équipement (9%).

Justement, la Grèce est une bonne cliente des industriels de l’armement allemands et français. Bien sûr, Athènes a su diversifier ses sources d’approvisionnement. Mais, toujours est-il que l’Allemagne et la France font partie de ses principaux fournisseurs.

La première lui a vendu six sous-marins U-Boot 124 en 2009, pour 2 milliards d’euros, qui viennent en plus des chars lourds Leopard et autres armes légères. Pour être complet, elle compte aussi, parmi ses meilleurs clients, « l’ennemi » turc, ce qui lui vaut d’être accusée d’avoir soufflé sur la braise afin d’entretenir les tensions entre ces deux pays afin de placer ses armements.

La seconde n’est pas en reste puisqu’elle a fourni à Athènes des Mirage 2000, des hélicoptères Puma et Cougar, ainsi que des VBL. Avant que n’éclate la crise, il était question de placer le Rafale et quelques frégates FREMM.

Seulement, si l’Allemagne et la France sont les principaux fournisseurs d’armes de la Grèce, ce sont aussi ses principaux bailleurs de fonds. Même si le gouvernement conservateur-libéral allemand s’est fait tirer l’oreille pour venir au secours d’Athènes, lui reprochant son train de vie de cigale, il n’en reste pas moins que Berlin va lui prêter 22,4 milliards d’euros sur trois ans. Et Paris, dont la situation financière n’est pas des plus brillantes mais qui bénéficie de la note  « triple A » synonyme de solvabilité auprès des marchés financiers, va en faire de même avec 16,8 milliards d’euros prêtés sur la même période.

Il s’agit ainsi de tenter d’éviter l’éclatement de la zone euro, même si il n’est pas certain qu’Athènes puisse rembourser les sommes prêtées et au risque de mécontenter une large partie de leurs opinions publiques respectives. Toutefois, Berlin a déjà prévenu : « il n’est pas question de faire un chèque en blanc » a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, le 2 mai dernier.

Mais pour Daniel Cohn-Bendit, à la fois chef de file d’Europe Ecologie et député européen, l’aide accordée par la France serait assortie d’une condition : celle du respect des contrats d’armement passés avec la Grèce.

« Dernièrement, M. Papandréou (ndlr: le Premier ministre grec), qui était au sommet de l’Otan, est passé par Paris. A Paris, il y a un certain M. Fillon et un certain M. Sarkozy » a-t-il commencé à expliquer, ce 7 mai. « Il les a rencontrés. M. Fillon et M. Sarkozy ont dit à M. Papandréou : ‘Nous allons lever des sommes pour vous aider, mais vous devez continuer à payer les contrats d’armement qu’on a avec vous, signés par le gouvernement Caramandis' » a-t-il poursuivi.

« Depuis ces trois mois, il y a eu plusieurs milliars de contrats d’armement qu’on a obligé la Grèce à confirmer. Des frégates françaises – 2.5 milliards – que doivent acheter les Grecs, il y a des hélicoptères, il y a des avions, il y a des sous-marins allemands » a ajouté l’ancien leader de mai 68. « Je dis que c’est de l’hypocrisie, on veut faire de l’argent, voilà la réalité » a-t-il conclu.

Ces accusations ont été balayées par Matignon. « L’heure est suffisamment grave pour ne pas perdre de temps avec de basses polémiques dénuées de tout fondement » a-t-on fait valoir dans l’entourage de François Fillon.

Que l’aide française ait été assortie de conditions portant sur les contrats d’armement en cours n’est, dans le fond, pas choquant en soi. Imaginez que vous vendez des voitures à crédit à un client, que ce dernier ne vous paie pas ce qu’il vous doit parce qu’il a préféré être cigale plutôt que fourmi et qu’il vous demande un emprunt pour faire face à ses dettes, l’on peut supposer que vous voudriez qu’il n’oublie pas l’ardoise qu’il a chez vous si jamais vous acceptez de l’aider.

L’on pourra toujours reprocher à la France et à l’Allemagne d’avoir vendu des armements à la Grèce, tout en sachant, ou du moins en se doutant, que sa situation financière n’était pas saine. Mais de toute façon, Athènes aurait été se fournir ailleurs, en particulier chez les Américains, voire auprès des Russes…

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