Le skipper de la Tanit a été tué par une balle d’un commando marine

« J’ai l’impression qu’ils n’étaient pas sur la même planète que nous. Entre eux et moi, c’était un dialogue de sourds » avait déclaré le commandant de la frégate Floréal. « Ils » désigne le couple Lemaçon, embarqué à bord du voilier « La Tanit » pour rejoindre Zanzibar, en passant au large de la Corne de l’Afrique, une zone pourtant infestée de pirates. L’officier de marine leur avait déconseillé de suivre cette route. Peine perdue.

« Préserver la planète, apprendre à Colin (ndlr: le fils du couple) comment respecter au mieux son environnement… Comme une ligne de conduite que nous aimerions suivre au plus juste » écrivait Chloé Lemaçon, sur le blog initialement dédié à cette aventure.

Seulement, en avril 2009, la Tanit a croisé la route de pirates somaliens. Comme pour le Ponant l’année d’avant. Comme pour le Carré d’As, quelques mois plus tôt. Pour libérer les équipages de ces deux bateaux, la Marine nationale avait envoyé ses commandos régler l’affaire. Avec succès.

Sauf que pour le cas de la Tanit, les choses ne se sont pas passées exactement comme prévu. Libérer des personnes prises en otage par des hommes armés, dans un milieu aussi clos que peut l’être un voilier aux dimensions réduites implique nécessairement une prise de risques supplémentaire. Et malheureusement, le skipper, Florent Lemaçon, a reçu une balle fatale lors de l’intervention des commandos marine, qui a permis de libérer quatre personnes alors retenues par les pirates.

Depuis, Chloé Lemaçon a été reçue à deux reprises à l’Elysée. Le président lui fait part de sa volonté de l’aider, quelle que soit l’origine de la balle. L’épouse du skipper tué se voit alors proposer le statut de pupille de la nation pour son fils, un emploi dans l’administration de son choix, ainsi qu’un aide conséquente de plus de 400.000 euros.

Seulement voilà, Chloé Lemaçon ne donne pas suite à l’offre d’emploi qui lui est faite par l’Elysée. Comme aux propositions d’indemnisation qui lui ont été faites, notamment par la direction des affaires juridiques du ministère de la Défense, étant donné qu’elles sont assorties d’une annexe lui demandant de renoncer à toute poursuite judiciaire. L’accepter, « c’était me lier aux autorités, accepter de ne plus parler » a-t-elle confié au Monde Magazine du 10 avril dernier. Car ce qu’elle souhaite, c’est que l’Etat admette l’origine du tir qui a tué son mari et, en même temps, sa responsabilité.

Finalement, l’enquête concernant cet incident a établi, d’après les expertises balistiques, que la balle ayant touché Florent Lemaçon a été tirée par un militaire français participant à l’opération de libération. Cela confirme les soupçons que le ministre de la Défense, Hervé Morin, avait déjà évoqués quelques jours après l’assaut, ainsi que ceux de la veuve du skipper, qui a par ailleurs rencontré l’auteur du tir fratricide en juin 2009, avec l’amiral Gillier pour témoin (*).

Par voie de communiqué, le ministre de la Défense renouvelle « l’expression de sa profonde compassion envers la famille et les proches de Florent Lemaçon », affirme son « total soutien » à sa veuve et à son fils et rappelle « que l’Etat assumera toute sa responsabilité ». Dans le même temps, Hervé Morin a une nouvelle fois exprimé « sa confiance aux militaires engagés dans de telles opérations qu’ils conduisent avec professionnalisme et dévouement ».

(*) Voir « Le combat de Chloé pour la vérité », Le Monde Magazine du 10 avril 2010.

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