Le Pentagone réévalue la menace iranienne

Comment empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire? Entre avancée et recul des négociations internationales, l’équation semble en effet compliquée, d’autant plus que Téhéran souffle habilement le chaud et le froid sur ses intentions en la matière.

Le pouvoir iranien nie vouloir se doter de telles armes. Mais dans le même temps, il poursuit le développement de missiles balistiques et poursuit son programme d’enrichissement d’uranium, malgré les résolutions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Pour l’instant, il est question de renforcer les sanctions internationales qui pèsent sur l’Iran. Seulement, plusieurs pays du Conseil de sécurité des Nations unies s’y refusent, à commencer par la Chine, qui en est un membre permanent. Et quand bien même Pékin se rangerait derrière les vues des capitales occidentales, il faudrait encore convaincre la Turquie, le Brésil et le Liban.

Et puis il n’est pas certain que des sanctions alourdies soient efficaces : jusqu’à présent, l’Iran passait par Dubaï pour son commerce, avec un flux d’échanges annuel évalué à 20 milliards de dollars. Mais comme Washington a fait pression sur l’émirat, c’est notamment vers Ankara que Téhéran se tourne désormais. Ce qui explique l’attitude turque au Conseil de sécurité…

Le risque est donc de voir, à terme, l’Iran disposer de la capacité de fabriquer des armes nucléaires sans pour autant passer à l’acte. On se retrouverait ainsi dans la même situation que l’on a connue avec la Corée du Nord en 2002, laquelle a procédé à deux essais (en 2006 et en 2009) après s’être retirée du Traité de non prolifération (TNP) en 2003, avec, en prime, une éventuelle course aux armements dans la région du golfe Persique.

Aussi, et au cas probable où l’option diplomatique échouerait, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, aurait détaillé plusieurs options militaires contre les installations nucléaires iraniennes dans un memorandum secret adressé à la Maison Blanche en janvier dernier.

Parmi les scénarios évoqués, le New York Times, qui a révélé l’existence de ce document le 18 avril, indique la possibilité d’opérations militaires secrètes. En tout les cas, Robert Gates semble avoir évolué sur l’éventualité d’un recours à la force armée contre le programme nucléaire iranien. Jusque là, celui qui avait été également le secrétaire à la Défense de George W. Bush s’était opposé à l’idée de frappes aériennes en Iran.

La fuite de ce rapport n’est sans doute pas innocente car elle a au moins deux intérêts : d’une part, elle permet de faire peser une menace sur le régime de Téhéran, et d’autre part, elle peut rassurer Israël à qui l’on prête la volonté de mener une opération aérienne contre les installations nucléaires iraniennes, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la sécurité de la région.

Cela étant, il est difficile d’avoir une évaluation définitive de l’état d’avancement du programme nucléaire iranien. En 2005, il était estimé que l’Iran devait maîtriser la fabrication d’une bombe nucléaire avant deux à cinq ans. Force donc est de constater que ce n’est pas encore le cas.

Selon le général Cartwright, le numéro deux de l’état-major américain qui s’est récemment exprimé devant la commission de la Défense du Sénat, il faudrait à Téhéran une année seulement pour produire assez de matière fissile pour produire une bombe. Quant à la fabrication à proprement parler, l’officier a estimé qu’elle pourrait être possible, là encore, d’ici deux à cinq ans.

Par ailleurs, un document déclassifié du Pentagone, rendu public le 19 avril, estime que l’Iran serait capable de mettre au point un missile balistique d’une portée suffisante pour atteindre le territoire américain dans cinq ans également.

« Avec une aide étrangère suffisante, l’Iran pourrait probablement développer et tester un missile balistique intercontinental capable d’atteindre les Etats-Unis d’ici 2015 » est-il écrit dans le rapport.

La dernière évaluation américaine concernant le programme balistique iranien avait estimé, en mai 2009, que l’Iran serait en mesure de produire un tel missile sur la période 2015-2020.

Le rapport du Pentagone aborde également l’influence iranienne auprès des groupes terroristes. Sans surprise, il confirme le soutien de Téhéran au Hezbollah libanais, mais aussi au Hamas palestinien ainsi qu’aux groupes d’insurgés irakiens et afghans. Ce dernier point avait été évoqué dans l’évaluation stratégique au sujet de l’Afghanistan faite par le général McChrystal à l’été 2009. Le document donne quelques précisions : ainsi, l’on apprend que l’Iran a fourni des roquettes de 107 mm aux taliban.

Enfin, concernant les capacités militaires terrestres iraniennes, le Pentagone estime que ses forces armées terrestres disposent de 220.00 hommes, auxquels il faut ajouter les 130.000 gardiens de la Révolution ainsi qu’entre 1.800 à 1.900 chars. Ce qui laisse penser aux analystes de l’armée américaine que « l’Iran maintient une importante force militaire qui serait relativement inefficace contre un assaut direct conduit par des troupes bien entrainées et équipées comme le sont celles des Etats-Unis et de leurs alliés ».

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