Le général McChrystal estime qu’il y a trop de « contractors » en Afghanistan

Le commandant des troupes de l’Otan en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, a effectué une visite de deux jours à Paris, les 15 et 16 avril, à l’invitation de l’amiral Guillaud, le chef d’état-major des armées.

Après avoir déposé une gerbe sur le tombeau du Soldat inconnu la veille, le général McChrystal a été invité à s’exprimé devant les auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) et d’évoquer ainsi la situation en Afghanistan.

Ainsi, l’officier américain a fait le bilan des erreurs commises par le passé, expliqué la stratégie mise en place depuis 2009 et dressé quelques perspectives.

« Nous n’avions pas compris l’extrême complexité de ce pays ni que nous avions affaire, après trente et un ans de guerre, à une société tout à fait perdue » a admis le général McChrystal.

Le fait est, il est difficile de comprendre la culture et, d’une manière générale, la société afghane, composée par une mosaïque d’éthnies et de tribues différentes (pachtoune, ouzbeke, tadjike pour ne citer que les principales), avec un mode de vie et de pensée très éloigné de la culture occidentale.

Concernant la nouvelle approche de l’Otan en Afghanistan, qui repose sur la nécessité de « conquérir les coeurs et les esprits » en « protégeant la population » et à « promouvoir une approche globale », le général McChrystal a reconnu qu’elle n’a pas encore obtenu tous les résultats espérés. « Nous ne sommes pas en train de gagner, mais les insurgés non plus » a-t-il affirmé, tout en indiquant que « 2010 sera une année critique ».

« Les choses vont certainement empirer avant de s’améliorer », a prévenu l’officier américain. « Les Afghans ont connu une génération et demie de guerre. Les gens sont frustrés par le conflit (…). Ce peuple a besoin de sécurité, de justice et que l’insurrection s’arrête. Notre objectif est de fortifier l’armée nationale afghane, d’acculer les taliban et de soutenir la gouvernance du pays. Aujourd’hui, c’est la première fois que je vois une coalition mener une contre-insurrection » a-t-il ajouté.

Quant aux perspectives de retrait militaire, le commandant de l’ISAF espère rester « un peu plus longtemps » que la date fixée par le président Obama, à savoir 2011. D’ici-là, l’officier espère que « les taliban auront été acculés et auront perdu leur crédibilité. » Cela étant, il faut du temps pour gagner une guerre contre-insurrectionnelle et mettre sur pied des forces de sécurité locales efficaces.

« Ce dont je suis certain, c’est que les Afghans sont davantage motivés aujourd’hui qu’hier et que les taliban sont impopulaires. Il y a donc une opportunité d’aller plus vite » a estimé le général McChrystal.

Enfin, le commandant de l’ISAF a abordé un thème qui fait polémique depuis quelques temps : le recours aux sociétés militaires privées (SMP). L’une d’entre elles – Blackwater, ajourd’hui Xe Services – défraie encore la chronique, avec l’inculpation d’un de ses anciens dirigeants, Gary Jackson, pour violation de la législations sur les armes aux Etats-Unis. C’est là le moindre délit reproché à cette firme, impliquée notamment dans une fusillade à Bagdad qui avait fait 17 tués en 2007.

Ces sociétés militaires privées, qui travaillent pour le compte du Pentagone, comme par exemple pour protéger des sites sensibles ou des convois de ravitaillement ou encore pour former des personnels, sont plutôt prospères. La semaine passé, DynCorp International a été rachetée pour 1,5 milliard de dollars par le fonds Cerberus.

Mais pour le général McChrystal, le Pentagone gaspille de l’argent en employant de trop nombreux « contractors » pour des tâches qui pourraient être mieux effectuées par des militaires ou des Afghans. Et le chef de l’ISAF de déplorer la trop grande dépendance de l’armée américaine à l’égard de ces sociétés privées en contrat avec le Pentagone.

« Nous avons créé nous-même une dépendance par rapport aux ‘contractors’ plus importante qu’elle ne devrait l’être » a-t-il ainsi déclaré. « Je pense que nous avons été trop loin. Je pense que le recours aux ‘contractors » a été fait avec de bonnes intentions afin de limiter le nombres de militaires déployés. Je pense que dans certains cas, nous espérions que cela ferait économiser de l’argent. Et je pense que cela n’en économise pas » a-t-il poursuivi.

Selon un rapport du Congrès, il a été établi que l’US Central Command, le commandement en charge du Moyen-Orient et de l’Asie centrale, employait, en 2009, 104.100 salariés des SMP pour des tâches de logistique, de renseignement et d’escorte. Par comparaison, le contigent américain en Afghanistan s’élevait, à la même période, à 63.950 hommes.

Pour le général McChrystal, il serait souhaitable de « réduire le nombre de ‘contractors’ et d’augmenter le nombre de militaires si nécessaire » ainsi que de laisser une place de plus en plus prépondérante aux Afghans eux-mêmes.

Photo : Le général McChrystal devant les auditeurs de l’IHEDN (c) ECPAD

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