Uzbeen : La plainte des familles de soldats tués classée sans suite

Le 18 août 2008, dix militaires français tombaient au cours d’une embuscade dans la vallée d’Uzbeen, dans le région de Surobi, à une cinquantaine de kilomètres de Kaboul. Ce secteur, sous contrôle italien quelques semaines plus tôt, venait alors de passer sous la responsabilité de la France.

Ce qui aurait pu passer pour un fait de guerre a donné lieu à des polémiques et, aussi, à une prise de conscience. Pour Joël Le Pahun, le père de Julien, grenadier-voltigeur au 8e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine (RPIMa), tué lors de cet accrochage, les explications fournies par l’Etat-major des armées (EMA) concernant la mort de son fils n’ont pas été satisfaisantes.

« Nous soupçonnons l’existence d’une série de manquements dans la chaîne de commandement » avait-il déclaré dans les colonnes du quotidien Le Parisien, en octobre dernier. D’où le dépôt d’une plainte contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui » devant le Tribunal aux armées de Paris, seul compétent pour juger les affaires concernant les militaires français déployés à l’étranger.

Au total, six autres familles ont rejoint l’initiative de Joël Le Pahun, selon qui cette procédure n’avait pas pour objet de viser « le président de la République, son gouvernement ou le chef d’état-major des armées » mais « des individus qui n’ont pas assumé leurs responsabilités, qui n’ont pas su gérer la mission qu’ils devaient mettre en place ». Pour lui, cette plainte devait servir « les soldats français qui combattent (…) en Afghanistan » afin qu’un « tel drame ne se reproduise pas ».

Le dossier a été confié au très médiatique avocat Gilbert Collard. Selon ce dernier, le but n’était pas « de critiquer l’armée » mais « de mettre en cause la hiérarchie militaire qui commis des faures dans l’organisation de cette opératon militaire ».

Seulement, cette initiative a été perçu comme étant un pas vers la judiciarisation du métier de soldat, qui n’est pas comme les autres. Pour le président Sarkozy, il ne faut pas « oublier la singularité de l’engagement militaire : engager sa vie au risque de la perdre ». En d’autres termes, un soldat tué au cours d’une opération armée ne peut pas être considéré comme étant une victime.

Finalement, le Tribunal aux armées de Paris a décidé de classer sans suite la plainte des familles. « Il faut se rappeler du contexte où il s’agit d’envoyer des soldats au combat, c’est le propre du métier des armes » a justifié une source judiciaire à l’Agence France Presse. Pour Me Collard, « ce refus (…) n’est absolument pas une surprise ». Cependant, cette affaire n’est pas encore terminée.

En effet, l’avocat des plaignants estime que ce classement sans suite « est l’étape par laquelle il fallait passer pour pouvoir saisir un juge indépendant ». Habitué des annonces fracassantes (voir par exemple l’affaire de Carpentras), Me Collard promet « des éléments nouveaux » qui viendront appuyer une autre procédure. Cela est possible dans le cas d’une enquête classée sans suite par le parquet : les plaignants ont la possibilité de saisir directement le juge d’instruction via le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile.

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