La doctrine militaire russe reste hostile à l’Otan

L’on aurait pu penser que les relations entre Moscou et l’Alliance atlantique s’étaient réchauffées après avoir été mises à mal lors du conflit russo-géorgien d’août 2009. Le mois dernier, en effet, la Russie et l’Otan avaient renoué leurs liens militaires en évoquant plusieurs sujets où une coopération était possible, tels que, entre autres, le contre-terrorisme, la lutte anti-piraterie ou encore la logistique. L’Afghanistan avait été également au centre des discussions.

La situation afghane avait d’ailleurs déjà été évoquée quelques semaines plus tôt par le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, lors d’un déplacement à Moscou. Dans tous ces domaines, aussi bien la Russie que l’Alliance atlantique ont intérêt à coopérer. C’était en tout les cas le sens du message porté par l’ancien Premier ministre danois aux dirigeants russes, lesquels semblèrent l’accueillir avec intérêt.

Et puis, l’évolution russe au sujet du nucléaire iranien laissait à penser que Moscou se rapprochait un peu plus des positions défendues par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, trois pays membres de l’Otan et à la pointe de l’opposition aux volontés de Téhéran. Depuis quelques mois, les sujets de contentieux avec Washington et l’Otan s’étaient aplanis : les Américains renoncèrent à déployer des éléments de leur bouclier anti-missile en Pologne et en République tchèque, ce qui était alors dénoncé par le Kremlin pendant que l’Ukraine et la Géorgie étaient appelées à faire preuve de patience avant d’adhérer à l’Alliance atlantique.

Seulement voilà : il semblerait que tout cela ne compte pas beaucoup aux yeux des dirigeants russes. En effet, la nouvelle doctrine militaire aprouvée par le président Medvedev, la semaine passée, place l’Otan au premier rang des menaces qui visent la Russie. Alors que le pays doit faire face à une expansion de l’islamisme dans ses régions caucasiennes, le terrorisme arrive en 10e position…

Plus exactement, c’est l’élargissement de l’Otan qui est perçu comme une menace nationale, selon cette nouvelle doctrine. Ce qui est reproché à l’Alliance atlantique, ce sont ses efforts pour « mondialiser ses activités en infraction aux lois internationales » et à « rapprocher ses infrastructures militaires des frontières russes, en s’élargissant » aux Etats qui faisaient auparavant partie de la « sphère de responsabité » russe.

Un exemple a été donné le 9 février par le secrétaire du Conseil russe de sécurité, Nikolaï Patrouchev. Ce dernier a accusé l’Otan d’avoir fourni des armes à la Géorgie avant le conflit d’août 2008 pour lui permettre de mener des opérations en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Seulement, ce qu’il oublie de préciser, c’est que ces deux régions, certes séparatistes et pro-russes, font partie du territoire géorgien… « Nous attirons votre attention sur le fait que l’armement de la Géorgie se poursuit toujours. Pourquoi? Dans quel but? Ils veulent une nouvelle attaque? si ce n’est pas le cas, il ne par armer (la Géorgie). Nous, nous n’avons pas l’intention d’attaquer » a-t-il ajouté.

« Les Américains et leurs alliés veulent à nouveau encercler la tanière de l’ours russe? » s’est interrogé Dmitri Rogozine, l’ambassadeur russe auprès de l’Otan, sur son compte Twitter. « Combien de fois faut-il rappeler que c’est très dangereux! L’ours va sortir et botter les fesses de ces misérables chasseurs » a-t-il estimé, oubliant toute retenue diplomatique…

Autres menaces identifiées par le document : le possible développement d’un « système stratégique antimissile » et le développement « d’armes stratégiques conventionnelles de haute précision ». Pour le premier point, il est clair, pour le chef d’état-major de l’armée russe, le général Nikolaï Makarov, que Moscou est dans le collimateur. « Le développement et le déploiement du (système) de défense antimissile vise la Russie. Malgré les déclarations de responsables gouvernementaux qui disent que tout cela va assurer notre sécurité, ce n’est pas vrai » a-t-il déclaré.

Depuis le lancement de ce projet de bouclier, révisé en septembre dernier, il a pourtant été maintes fois répété qu’il est censé offrir une protection face à la menace des missiles balistiques iraniens. En fait, ce que craignent les responsables militaires russes, c’est de voir leur force de dissuasion décrédibilisée par cette défense antimissile, ce qui créerait un déséquilibre entre Moscou et Washington, compte tenu de la faiblesse relative de la Russie au niveau de ses forces conventionnelles par rapport à celles des Etats-Unis. En clair, la supériorité militaire américaine deviendrait alors encore plus écrasante qu’elle ne l’est actuellement. Que des Etats dits voyous cherchent à se procurer des armes nucléaires ne semble donc pas inquiéter plus que ça les stratèges russes : la prolifération figure à la sixième place des menaces les plus sensibles…

Quoi qu’il en soit, pour le secrétaire général de l’Otan, cette nouvelle doctrine militaire russe « ne reflète pas le monde tel qu’il est ». « L’Otan n’est pas l’ennemi de la Russie. Cela (la doctrine russe) (…) entre clairement en contradiction avec tous nos efforts pour améliorer la relation entre l’Otan et la Russie » a-t-il déclaré en marcge d’une conférence sur la sécurité à Munich.

L’on aurait pu penser la pression migratoire chinoise aux frontières orientales de la Russie, avec des revendications de Pékin sur des territoires acquis par Moscou via, du point de vue chinois, des « traités inégaux » au XVIIIe siècle, serait de nature a faire changer de logiciel les stratèges russes. Mais pour l’instant, il n’en est donc pas encore question.

Finalement, ce document ne constitue pas une grande surprise… »A partir de 2011 débutera un réarmement à grande échelle de l’armée et de la marine russe. L’analyse de la situation politico-militaire dans le monde a montré qu’il restait un potentiel de conflit sérieux, alimenté par des crises locales et les tentatives incessantes de l’Otan de développer son infrastructure militaire près de la Russie ». Celui qui a prononcé cette phrase en 2009 n’est autre que Dmitri Medvedev. Il n’y a pas à dire, on a de la suite dans les idées au Kremlin.

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