La Cour des comptes épingle la gestion des programmes d’armement français

Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes a critiqué la dérive des coûts constatés concernant différents programmes d’armement lancés pour les besoins des armées françaises et qui constituient le premier budget d’investissement de l’Etat.

Ainsi, l’avion de transport militaire A400M fait figure de « cas d’école ». Ainsi, le rapport fait état d’une « phase préliminaire d’un coût de 84 millions d’euros » demandée dans les années 1990 « par l’industrie, fut refusée par les Etats cliens ». Or, selon les magistrats, cela aurait permis « d’atténuer les difficultés considérables » que ce programme a rencontrées et qui sont la cause de son dérapage financier de l’ordre de 5 milliards d’euros, dont la prise en charge fait actuellement l’objet d’âpres négociations entre le groupe d’aéronautique et de défense EADS et les sept pays clients de l’appareil.

Mais ce n’est pas tout puisque le document insiste sur « le niveau trop ambitieux des performances » exigées, dont certaines ont été « irréalisables par l’industriel maître d’oeuvre ». Aussi, pour les sages de la rue Cambron, il aurait mieux valu acheter des avions américains, ce qui « aurait permis de doter plus rapidement les forces françaises des moyens de projection qui leur font défaut ». Et cela « n’aurait sans doute pas été plus onéreux ». Notons toutefois au passage le « sans doute »…

Plus généralement, la Cour des comptes constate que tous les programmes d’armement « ont été affectés par des dérapages temporels et des dérives financières conduisant, in fine, à doter les forces armées plus tardivement de matériels moins nombreux et, parfois, aux capacités réduites par rapport aux spécifications retenues » et qu’ils ont fait l’objet de sous-estimations de leurs coûts initiaux, ce qui a empêché ‘les responsables politiques d’avoir une appréhension complète » de leur coût réel.

Pratiquement tous les programmes passés au crible par la Cour des comptes présentent des coûts supérieurs à ce qui avait été prévu au moment de leur lancement. Hormis peut-être le sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda, dont le prix unitaire n’a seulement varié que de 2%. La palme revient à l’hélicoptère Tigre, dont le coût par exemplaire a grimpé de 78,1%. Viennent ensuite les sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), avec 58,7%, les frégates FREMM, avec 32,7%, ou encore le Rafale, avec 16,2%. (Au passage, on notera que le prix d’un Rafale est de 142.3 millions d’euros)

« L’Etat résoud ces surcoûts en réduisant le volume de la commande en cours de route » note le rapport de la Cour des comptes. D’autant plus que les crédits d’équipements des armées n’ont pas toujours été alloués conformément aux prévisions des Lois de programmation militaire (LPM), ce qui est de nature à retarder davantage la livraison des équipements, quand ce n’est pas leur développement (comme cela a été le cas pour le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle).

Ainsi, pour celle qui couvrait la période 2003-2008, comme pour la précédente d’ailleurs (1997-2002), le budget d’équipement des armées a notamment servi à financer le surcoût des opérations extérieures (900 millions), fournir des aides financières pour la restructuration des industries de l’armement (700 millions) et contribuer au budget civil de la recherche « au titre des crédits de recherche ‘duale’ (d’intérêt civil et militaire) à hauteur de 1 milliards d’euros. Cela sans oublier, les gels de crédits, la hausse des dépenses d’infrastructures, de munitions et d’entretien des matériels sous estimées par le ministère de la Défense. D’où un manque de 11 milliards d’euros…

Enfin, les magistrats de la Cour des comptes ont abordé la question de la polyvalence des équipements commandés. Ainsi, le besoin en avions de combat avec l’avènement du Rafale car sa polyvalence lui permet de mener tout aussi bien des missions d’appui au sol que de défense aérienne. Cela peut paraître plus économique. Mais les magistrats de la rue Cambon ne font pas le même calcul…

« Quant aux arguments de la polyvalence des matériels, ils peuvent être contrebalancés par la constatation que les matériels polyvalents sont forcément plus onéreux en réalisation comme en utilisation et ne peuvent donc être produits qu’en quantité limitée, alors même que l’efficacité de l’action militaire tient aussi au nombre de matériels déployés. La Cour regrette qu’il n’ait pas été procédé à une analyse comparative coût/efficacité permettant de choisir entre un équipement polyvalent et un matériel spécialisé lors du lancement de certains programmes par exemple » peut-on lire dans le rapport.

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