L’A400M est toujours dans le brouillard

Le temps presse et aucune solution n’a encore été trouvée pour financer les surcoûts générés par le développement de l’A400M, l’avion de transport européen, qui accuse trois ans de retard par rapport au calendrier initialement fixé au moment de la signature du contrat de 20 milliard d’euros portant sur la commande de 180 exemplaires, signé entre EADS et sept pays.

Pourtant, les négociations entre les clients de l’avion et le groupe européen d’aéronautique et de défense doivent aboutir d’ici au début du mois prochain. Faute de quoi, le programme de l’A400M pourrait être abandonné, ce qui est une issue qui n’est souhaitable pour aucune des deux parties. L’industrie de la défense européenne perdrait en crédibilité, les acheteurs de l’avion en ont absolument besoin pour remplacer leurs flottes vieillissantes et EADS pourrait de surcroît « avoir un impact négatif » sur « son profil de crédit » en cas d’arrêt du projet, selon l’agence de notation financière Fitch.

Les données du problème sont simples : les clients ne veulent pas payer trop cher ce qu’ils avaient commandé en 2003 et EADS, via sa filiale Airbus Military, n’entend pas supporter à lui seul la totalité de ces surcoûts, qui s’élevent, pour le moment à 5,2 milliards d’euros.

Et selon le groupe européen, ceci n’est qu’une estimation basse puisque chiffre ne tient pas compte des 2,4 milliards d’euros qu’il a déjà provisionnés, ni des 2 milliards de surcoûts prévisibles mais dont 800 millions pourraient être économisés. Au total, la facture présentée aux pays clients par EADS s’éleverait donc à 6,4 milliards d’euros.

Selon l’audit commandé l’an passé au cabinet PricewaterhouseCoopers, EADS aurait assez de trésorerie – 8 milliards d’euros – pour couvrir l’intégralité des surcoûts. Seulement, l’horizon du groupe européen ne se limite pas au seul A400M. Il doit en effet consacrer des moyens au développement de l’A380, de l’A350 ainsi qu’au successeur de l’A320. Et puis l’on estime chez EADS qu’il ne serait pas très équitable de porter seul le fardeau. Bien qu’ayant reconnu des erreurs dans la gestion du projet A400M, le constructeur met en cause les exigences de ces clients, qui lui notamment ont imposé un moteur de conception européenne pour propulser l’appareil. Et c’est justement la mise au point de ce dernier qui a été la source des retards du programme.

Plusieurs solutions ont été mises sur la table pour tenter de sauver l’A400M, lequel a enfin effectué son premier vol le 11 décembre dernier. Récemment, l’idée d’une garantie financière apportée à EADS par l’Allemagne – qui se montre le plus intransigeant sur la question des surcoûts – a été finalement écartée, pour des raisons d’incompatiblité législative d’un pays client à l’autre.

Outre la possibilité de payer les mêmes sommes initialement convenues mais pour moins d’appareils livrés, la dernière proposition des pays clients serait de débourser 2 milliards d’euros sur dix à quinze ans et d’accélérer les paiements contractuels prévus d’ici à 2014 afin de donner un peu plus d’air à la trésorerie d’EADS. Cette idée a été officiellement notifiée au groupe via un courrier de l’OCCAR, la structure paneuropéenne chargée de gérer la mise en application du contrat.

Seulement voilà, cette proposition n’a pas été acceptée par EADS car jugée insuffisante. Cela étant, l’agence de notation Fitch, déjà citée, considère « toujours que la probabilité que le programme (ndlr: de l’A400M) soit annulé est faible ». Pour les analystes, le scénario d’un abandon pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’image du constructeur aéronautique au point que sa crédibilité pourrait être atteinte, avec, à la clef, des difficultés à venir pour trouver des crédits. Reste à attendre le 2 février prochain : à cette date, EADS devra fournir une contre-proposition à l’offre transmise par l’OCCAR.

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