Le Cachemire reste une source de tensions

Depuis 1947, le Cachemire, divisé en deux parties, l’une indienne et l’autre pakistanaise, alimente l’hostilité que se vouent mutuellement New Delhi et Islamabad. Cet antagonisme explique en partie la politique menée en Afghanistan par le Pakistan au cours des années 1990.

C’est en effet pour bénéficier de profondeur stratégique face à son voisin indien qu’il a soutenu les taliban afghans. Et même encore, le gouvernement pakistanais se garde bien de s’en prendre à ceux qui ont trouvé refuge au Balouchistan et au Nord-Waziristan (réseau Haqqani notamment). dans le cas où ils pourraient lui être utiles si jamais la situation afghane se dégrade davantage.

Aussi, la stabilité de l’Afghanistan se joue donc également au Cachemire et elle pourrait être favorisée si le Pakistan et l’Inde s’engagent dans un processus de normalisation de leurs relations.

Sauf que cette perspective reste lointaine. En décembre 2009, les responsables de l’armée indienne ont planché sur la révision de la doctrine militaire du pays et il en ressort que l’Inde évolue dans un environnement régional menaçant. Et pour y répondre, l’état-major a élaboré la stratégie dite du « double front », en faisant référence à la fois à la Chine et au Pakistan.

En effet, les relations entre New Delhi et Pékin se sont détériorées à cause de différends territoriaux concernant Ladakh et Arunachal Pradesh. Par ailleurs, l’Inde voit d’un mauvais oeil le projet prêté aux Chinois de détourner, dans quelques années, les eaux du Yarlung Zangbo, qui n’est autre que le Bramapouthre pour les Indiens (*).

Ainsi, la doctrine militaire indienne recommande d’avoir la capacité de lancer des offensives multiples, à la fois vers la frontière avec le Pakistan et dans le nord himalayen. Mais ce qui inquiète le plus Islamabad est le concept de « démarrage à froid » (Cold Start) qui vise à frapper le Pakistan avec un minimum de préparatifs afin d’obtenir un effet de suprise.

Il n’est donc guère étonnant que les Pakistanais aient vu dans cette nouvelle doctrine un raidissement de la position indienne à leur égard, même si pour plaire à Washington, New Delhi a annoncé sa décision, il y a quelques semaines, de réduire ses effectifs militaires au Cachemire, sans toutefois en préciser l’importance. Cela étant, l’Inde est par ailleurs en train de moderniser ses forces armées à marche forcée en leur consacrant un budget en forte progression (+29% pour la période 2009-2010).

Par conséquent, le Cachemire reste une poudrière dont la moindre étincelle destabilisera la région en provoquant un nouveau conflit armé entre l’Inde et le Pakistan, qui sont également deux puissances nucléaires. Certains groupes terroristes, très actifs dans cette zone, pourraient bien être tentés de provoquer l’incident qui conduirait à cet affrontement pour au moins une raison : cela permettrait de faire diminuer la pression qu’exerce actuellement l’armée pakistanaise sur les taliban locaux de Baïtullah Mehsud.

Cette hypothèse a en tout les cas été ouvertement évoquée par Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, lors d’une visite à New Delhi le 20 janvier. Selon lui, en effet, il serait très difficile de garantir une réaction « mesurée » de l’Inde en cas d’une nouvelle attaque sur son territoire, comme celle qui a endeuillé Bombay en novembre 2008.

(*) Sécurité Globale n°9 : La ruée vers l’eau (Choiseul Editions)

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