Le renseignement américain inefficace en Afghanistan

Ainsi, le président américain, Barack Obama, a exprimé son mécontentement au sujet de ses services de renseignement qui n’ont pas été en mesure d’empêcher l’embarquement à bord du vol 253 à destination de Détroit du nigérian Umar Farouk Abdul Muttalab, pourtant signalé proche de la mouvance d’al-Qaïda après un séjour au Yémen.

« Le 25 décembre, on est passé tout près de la catastrophe » a rappelé l’actuel locataire de la Maison Blanche. En effet, Muttalab devait mettre à feu des explosifs qu’il portait sur lui mais il en avait été empêché grâce à l’intervention de passagers qui avaient été mis en alerte par son comportement et un bruit suspect. « Nous n’avons pas échoué à obtenir les renseignements, nous avons échoué à analyser et comprendre les informations dont nous disposons. Il est de plus en plus clair que les informations n’ont pas été correctement évaluées. Ce n’est pas acceptable, et je ne le tolèrerai pas » a ajouté Barack Obama, le 5 janvier dernier.

Pourtant, en 2004, un poste de coordinateur du renseignement a été créé, après les ratés constatés au moment des attentats du 11 septembre 2001 où il était apparu que les services américains étaient trop « cloisonnés ». Actuellement, cette fonction est assumée par Dennis C. Blair. Et bien que, justement, cette affaire de l’attentat manqué contre le vol 253 laisse entrevoir un dysfonctionnement dans l’analyse et le partage des informations, il n’est pas demandé au directeur du renseignement (ODNI, Office of Director of National Intelligence) de démissionner.

Au contraire, le président Obama souhaite une seconde réforme du renseignement américain. « Je veux que les rapports soient terminés cette semaine. Je veux que l’on me fasse des recommandations précises pour corriger ce qui n’a pas fonctionné, je veux que ces changements entrent en vigueur immédiatement, de manière à ce que cela ne se reproduise plus, de manière à ce que l’on puisse prévenir d’autres attentats » a-t-il déclaré.

Par ailleurs, les services de renseignement américains, et plus précisément la CIA, ont fait l’objet de vives critiques pour leur action en Afghanistan. Et ces observations ne viennent pas de n’importe qui puisqu’elles ont été formulées par le général Michael Flynn, le chef du renseignement militaire de l’Otan dans le pays, dans un rapport publié par le Center for a New Americain Security, un groupe de réflexion de Washington.

Fustigeant l’amateurisme et l’ignorance des facteurs locaux, le général Flynn appelle à réformer « un appareil de renseignement toujours incapable de trouver des réponses à des questions fondamentales sur l’environnement dans lequel nous évoluons et sur les gens que nous essayons de protéger et de convaincre » de collaborer. « Le problème est que ces analystes (…) n’obtiennent pas du terrain les informations dont ils ont besoin pour se nourrir, à tel point que plusieurs estiment que leur travail revient plus à dire la bonne aventure qu’à mener des enquêtes sérieuses » ajoute encore l’officier.

Les reproches du général Flynn sont surtout d’ordre « culturel ». En effet, il semblerait, selon son rapport, que les agents de renseignement déployés en Afghanistan « ignorent tout de l’économie locale et des propriétaires fonciers », sont dans le flou concernant « l’identité des vrais chefs et de la manière de les influencer » et « se tiennent éloignés des gens les mieux placés pour obtenir les réponses ». Du coup, les analystes de Langley n’ont pas les informations nécessaires pour avoir une évaluation juste de la situation et « de nombreux décideurs s’appuient davantage sur la presse que sur le renseignement militaire pour obtenir ‘la vérité du terrain' », estime encore le chef du renseignement de l’ISAF.

Alors que le général McChrystal, le commandant de l’Otan en Afghanistan, préconise une stratégie basée sur la protection de la population et non sur la traque systématique des insurgés, les agents de renseignements américains n’ont pas encore intégré cette logique et se font « leurrer » en « réagissant aux tactiques de l’ennemi au lieu de chercher à frapper au coeur de l’insurrection », note le général Flynn. « Le repérage de cibles à abattre n’aidera pas les forces américaines et alliées à gagner en Afghanistan » ajoute-t-il. En résumé, il faudrait moins de drones et de moyens technologiques mais plus de renseignements d’origine humaine.

Ce rapport au vitriol vient après l’attentat commis, le 30 décembre, contre une base opérationnelle avancée de Chapman, dans la province de Khost, et au cours duquel 7 agents de la CIA ont été tué par un kamikaze d’origine jordanienne. Ce dernier, Khalil Abu-Mulal al-Balawi aurait en fait été un agent double à la solde d’al-Qaïda.

Médecin et originaire de la ville de Zarka, en Jordanie, comme d’ailleurs Abou Moussab al-Zarkaoui, il avait été arrêté par les services de renseignements jordaniens il y a plus d’un an pour ses liens avec les réseaux islamistes. Convaincu de son « retournement », il avait ensuite recommandé à la CIA pour infiltrer al-Qaïda et approcher le numéro deux de cette organisation, à savoir l’égyptien Ayman al-Zawahiri.

Selon la chaîne américaine NBC, Balawi aurait contacté son officier traitant jordanien – également tué dans l’attentat – pour le prévenir qu’il devait voir les agents de la CIA pour leur communiquer des informations importantes concenrnant Zawahiri. C’est donc avec ce stratagème qu’il a pu déjouer toutes les mesures de sécurité et commettre son acte.

Cette attaque a été initialement revendiquée par les taliban avec un communiqué mis en ligne dès le lendemain et qui a désigné un certain Samiullah comme en étant  l’auteur. Finalement, la responsabilité de cet attentat reviendrait finalement à la branche afghane d’al-Qaïda. En effet, cette organisation a publié une revendication via un site Internet appartenant à la mouvance islamiste.

« Il (ndlr: Balawi) a déclenché sa ceinture d’explosifs, cachée des regards de ceyx qui ne croient pas à l’au-delà, lors d’une réunion d’hommes des renseignements américains et jordaniens » a affirmé Mustafa Abul-Yazid, le responsable d’al-Qaïda en Afghanistan. « Il a vengé nos principaux martyrs, et comme il l’a écrit dans son ultime testament, que Dieu ait pitié de lui, il a vengé le chef Baïtullah Mehsud et les chefs Abu Saleh al-Somali et Abdallah Said al-Libi et leurs frères » ajoute-t-il en faisant référence aux trois dirigeants islamistes (le premier ayant été le dirigeant du mouvement taleb pakistanais) tués lors de frappes aériennes réalisées par des drones américains au cours de ces derniers mois.

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