Afghanistan : Les trois options d’Hervé Morin

La tenue d’un débat portant sur l’Afghanistan à l’Assemblée nationale, le 16 décembre, aura permis de faire le point sur la position de la France à l’égard des efforts demandés à Paris par le président américain Barack Obama dans le cadre de la nouvelle stratégie afghane qu’il a annoncée au début du mois et de note une légère inflexion quant à l’envoi éventuelle de nouvelles troupes pour renforcer le contingent français placé sous le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF).

Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a estimé que « dans l’état actuel des choses, nous n’avons pas besoin de renforcer nos troupes ». « Tous les stratèges vous le diront, c’est la mission qui détermine le nombre des soldats » a-t-il justifié, estimant « qu’aujourd’hui, nous remplissons notre mission » qui « tient en trois mots : régionalisation, afghanistan, réconciliation ».

Pour autant, et en attendant que les Afghans soient en mesure de prendre eux-mêmes leur destin en main, il n’est pas question de mettre fin, pour le moment, à l’engagement militaire français dans le pays. « Ce qui n’est pas possible, c’est que la France (…) ait versé le sang de ses soldats et qu’elle ait fait tout cela pour renoncer avant le terme » a déclaré le patron du Quai d’Orsay. La position  défendue par le ministre est en tout points semblable à celle affichée par le président de la République, Nicolas Sarkozy, en octobre dernier.

Seulement, le changement de stratégie voulu par la Maison Blanche et la pression que cette dernière exerce sur la France et sur l’Allemagne pour augmenter leurs troupes en Afghanistan pourrait faire bouger les lignes. D’où la nuance apportée par le ministre de la Défense, Hervé Morin, aux   propos de son collègue au gouvernement.

En premier lieu, le ministre a indiqué que la Paris et Berlin se concerteront sur la suite à donner aux demandes de Washington, « en fonction des conclusions de la conférence de Londres » sur l’Afghanistan, qui se tiendra le 28 janvier prochain. « C’est à l’issue, et seulement à l’issue de cet examen que la France et l’Allemagne décideront de leur participation ou non à un renforcement par des moyens que nous déterminerons ensemble » a-t-il déclaré.

Ensuite, Hervé Morin a détaillé trois options possibles : le « renforcement » de l’aide au développement », une « aide à la formation de la police ou de l’armée » afghanes et « l’envoi de moyens militaires supplémentaires ». Le troisième point, exclu jusqu’alors, renforce l’hypothèse d’un éventuel déploiement de la Brigade franco-allemande dans le nord de l’Afghanistan, comme un officier de l’Otan l’a suggéré récemment. Auparavant, seule l’idée d’envoyer des instructeurs supplémentaires avait été avancée par plusieurs responsables français, dont Thierry Mariani, l’envoyé spécial de la France pour la région Af/Pak et Henri Guaino, un des conseiller du président Sarkozy.

Mais selon des informations du quotidien allemand Westdeutsche Allegemein Zeitung, basées sur la foi de sources au sein de l’Otan et au ministère de la Défense, Berlin aurait l’intention d’envoyer 2.000 soldats de plus. D’après le journal, Washington serait déjà au courant de ce plan, qui n’a toutefois pas été confirmé par les autorités allemandes. Ces dernières ont seulement rappelé la position officielle de l’Allemagne, qui est aussi celle de la France.

Répondant au député socialiste Jean Glavany, pour qui « la révision stratégique décidée unilatéralement par le président Obama » est un « camouflet » pour les responsables politiques et militaires français, Hervé Morin a regretté l’absence d’une « position européenne commune », alors que l’Italie et l’Espagne, entre autres, ont décidé de répondre favorablement à la demande américaine en renforçant leurs contingents en Afghanistan respectivement de 1.000 et 500 hommes. « Nous aurions été beaucoup plus forts pour discuter face aux Etats-Unis et à l’ensemble de la communauté internationale » a ainsi fait valoir le ministre.

Par ailleurs, Hervé Morin a laissé entrevoir un point de désaccord avec la stratégie américaine, qui a fixé un début de retrait militaire à l’horizon de l’été 2011. Bien que le président Obama ait affirmé, la semaine passé, que cela se ferait sous conditions, il n’en reste pas moins que ce point précis, que le général McChrystal, le commandant des forces de l’Otan en Afghanistan, ne voulait pas, a fait l’objet d’une polémique outre-Atlantique, notamment nourrie par les critiques du sénateur républicain John McCain.

Et pour le coup, l’appréciation du ministre français de la Défense rejoint celle de l’ancien candidat à la Maison Blanche. « Ce serait faire preuve de faiblesse » et « donner un signal extrêmement fort aux talibans » a-t-il déclaré. Pour Hervé Morin, il serait plus judicieux de fixer « des paliers et des objectifs intermédiaires qui permettraient de montrer à nos compatriotes que des progrès sont effectués ».

Actuellement, 3.750 militaires français participent aux missions de l’ISAF en Afghanistan. Cette opération extérieure coûte 450 millions d’euros à la France, chaque année. Rappelons également que, selon un récent sondage, 82% des Français sont hostiles à l’envoi de nouveaux renforts.

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