Obama dévoile sa stratégie afghane

Fini le temps des fuites et des bruits de couloir. Après trois mois de consultations, le président Barack Obama a officiellement fait part de la stratégie qu’il entend appliquer pour sortir l’Afghanistan de l’impasse.

Sans surprise, et conformément à la demande formulée par le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) et des forces américaines en territoire afghan, le général Stanley McChrystal, un renfort de près de 40.000 militaires devrait être déployé d’ici à l’été 2010. Seulement, cet effort sera partagé : les Etats-Unis enverront 30.000 hommes, le reste des troupes devant être fourni par les partenaires de Washington.

La Pologne a d’ores et déjà indiqué qu’elle déploierait 600 hommes de plus. Le contingent espagnol, fort d’un effectif de 1.000 soldats, pourrait être augmenté de 200 unités selon le quotidien El Pais. Ces renforts s’ajoutent à ceux déjà annoncés par la Grande Bretagne (500), la Géorgie et la Slovénie. L’Allemagne, pays qui est le 4e contributeur de l’ISAF, attendra les résultats de la conférence internationale sur l’Afghanistan du 28 janvier 2010 prochain avant de prendre une décision.

Quant à la France, il n’est pas envisagé, du moins « pour l’instant », de renforcer le dispositif militaire déjà en place et fort de 3750 hommes. Mais comme il lui sera difficile de résister à la pression de Washington et de ses partenaires au sein de l’Otan, Paris pourrait participer cet l’effort, sans toutefois aller à déployer les 1.500 militaires en plus demandés par le président américain à son homologue français, Nicolas Sarkozy.
« Pour l’instant, il n’y a pas d’intention de la France d’envoyer des combattants supplémentaires en Afghanistan » a déclaré, ce 2 décembre, à l’antenne de France Inter, Henri Gaino, un des conseillers du chef de l’Etat. Sauf que ce n’est qu’une question de sémantique, étant donné qu’ il est fort probable que des équipes d’instructeurs (les OMLT, Operational Mentoring Liaison Team) supplémentaires soient dépêchées auprès des forces afghanes, régulièrement au contact avec les insurgés. « L’objectif de la France, (…) c’est d’aider à former les forces de sécurité afghanes et puis nous allons voir en fonction de ce que font nos alliés (…). La France est un pays responsables, qui entend prendre ses responsabilités. Ca n’a pas de sens de dire d’emblée à tout ‘non, non, non, jamais' » a encore ajouté le conseiller du président.

Cela étant, la formation des forces militaires et policières afghanes est un aspect important de la stratégie dévoilée par le président Obama dont un des objectifs est de permettre au gouvernement de Kaboul d’être en mesure d’assumer lui-même la sécurité dans le pays. Dès 2010, les effectifs de l’armée nationale afghane passeront de 90.000 à 134.000 hommes. Et pour enrayer les désertions et attirer, aussi, ceux qui vendent leurs talents guerriers au plus offrant, les militaires et les policiers afghans verront leur solde augmenter de 45 dollars pour atteindre les 165 dollars par mois.

Cette augmentation des effectifs militaires – ce « surge » – vise surtout à « sécuriser les grands centres de population » et à casser la dynamique de l’insurrection. Les premiers renforts américains – 9.000 marines – devraient partir dès janvier prochain pour rejoindre la province du Helmand, bastion des taliban. D’ailleurs, l’essentiel des nouvelles troupes sera concentré dans le sud du pays, c’est à dire là où l’insurrection est la plus active.

Conscient que sa décision allait faire des vagues parmi ses soutiens politiques aux Etats-Unis, Barack Obama a dans le même temps précisé que les forces américaines « commenceront à rentrer à la maison » à partir de juillet 2011, ce qui fait 18 mois pour réussir. Seulement, cette annonce n’est sans doute pas la plus opportune. « L’Histoire montre que si l’on fixe une date de départ, l’ennemi attend que l’on parte » avait estimé l’ancien concurrent d’Obama en 2008, le sénateur républicain John McCain, à l’occasion d’un forum sur la sécurité, en novembre dernier.

Et cela risque de galvaniser les insurgés, comme en témoigne la dernière déclaration de Qari Yousuf Ahmadi, un porte-parole taleb. « L’espoir du président américain de contrôler militairement notre pays ne se réalisera pas » a-t-il promis. « Les 30.000 soldats supplémentaires ne pourront que renforcer la résistance » a-t-il poursuivi. Et de menacer : « les Américains seront contraints à un retrait honteux une fois qu’ils auront compris qu’ils ne peuvent atteindre leur but, comme les Russes avant eux. Obama va voir défiler de nombreux cercueils de soldats américains ».

Cette augmentation des troupes n’est qu’un aspect – certes important – de la politique qu’entend mener Washington en Afghanistan car il est aussi question d’appuyer la stratégie dite du « nation building », qui consiste à renforcer l’Etat afghan afin de stabiliser durablement le pays au moyen d’actions civilo-militaires.

« Nous voulons être votre partenaire, pas votre patron » a déclaré Barack Obama lors de son allocution prononcée à West Point, en s’adressant aux Afghans. Cependant, et comme un combat contre-insurrectionnel est inefficace si il sert des autorités corrompues, le président américain a adressé une mise en garde à son homologue afghan, Hamid Karzaï, dont la réélection, en novembre, n’a pas vraiment enchanté Washington.

« L’époque du chèque en blanc est révolue » a lancé le locataire de la Maison Blanche, qui a donné une feuille de route au président Karzaï. Ainsi, ce dernier devra tenir ses engagements de lutter contre la corruption et améliorer la gouvernance de son pays.

Enfin, une partie du problème de l’Afghanistan vient du Pakistan voisin. On le sait, le mouvement taleb afghan y a trouvé refuge sans y être inquiété, de même que des militants de la mouvance d’al-Qaïda, qui, selon Barack Obama, préparerait de nouvelles attaques contre les Etats-Unis. « Nous allons agir en étant parfaitement conscients que notre succès en Afghanistan est lié inextricablement à notre partenariat avec le Pakistan » a ainsi affirmé le président américain.

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