Afghanistan : Obama déterminé à finir le travail

Longtemps attendue, la décision du président Obama concernant la stratégie américaine en Afghanistan devrait être finalement annoncée le 1er décembre prochain, après trois mois de réflexion menée à partir de l’évaluation faite sur le terrain par le général Stanley McChrystal, le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF).

Dans son rapport transmis à la fin du mois d’août au Pentagone, ce dernier demandait des moyens supplémentaires, notamment en effectifs, afin d’éviter « un conflit plus long, plus de victime, des coûts plus élevés et, au final, une érosion cruciale de soutien politique ». Et d’ajouter : « Chacun de ses risques peut entraîner un échec probable de la mission ».

D’où la nécessité d’envoyer de nouveaux renforts en Afghanistan afin d’y appliquer une stratégie de contre-insurrection visant davantage à protéger les civils qu’à chasser les insurgés et à se concentrer sur les centres de population. « Echouer à reprendre l’initiative et à mettre un terme à l’offensive des taliban dans les douze mois risque de nous amener à une situation où il ne serait plus possible de les vaincre » avait-il averti.

Selon les médias américains, quatre options auraient été soumises à Barack Obama. L’une porte sur l’envoi de plus de 40.000 hommes supplémentaires, qui viendraient d’ajouter aux 100.000 soldats déjà sur le terrain (dont près de 68.000 sont américains). Une autre, visiblement défendue par Robert Gates, le secrétaire à la Défense et l’amiral Mike Mullen, le chef d’état-major interarmées, prévoit un renfort de 30 à 35.000 soldats américains, le reste des effectifs étant fournis par les membres de l’Otan. Cette solution aurait notamment l’avantage de faire économiser 6 milliards de dollars par rapport à la première, évaluée 33 milliards de dollars. Une autre possibilité évoquerait le déploiement de 20.000 militaires afin de protéger les grands centres urbains et de mener des actions ponctuelles contre al-Qaïda.

Reste encore que l’unanimité ne règne pas au sein de l’administration américaine sur la question de renforcer le dispositif militaire en Afghanistan. Ainsi, le vice-président Joe Biden s’est déclaré plutôt en faveur d’un désengagement tout en poursuivant les attaques ciblées contre les dirigeants d’al-Qaïda localisés dans la région. A contrario, Hillary Clinton, au département d’Etat, appuie la demande du général McChrystal, soutenu par le général David Petraeus, l’actuel chef du Centcom et artisan de l’amélioration de la situation sécuritaire en Irak depuis janvier 2007.

La décision que Barack Obama doit annoncer est fonction de plusieurs autres paramètres. Mener une guerre contre-insurrectionnelle ne peut être qu’efficace qu’à condition qu’elle se fasse au profit d’un partenaire fiable. C’est tout le sens des appels lancés au président Karzaï d’oeuvrer afin de lutter contre la corruption qui gangrène l’Afghanistan et d’améliorer la gouvernance au sein de son administration.  Donner l’impression de servir un gouvernement corrompu ferait perdre tout le bénéfice des succès gagnés sur le terrain.

Autre facteur à prendre en considération : la politique intérieure américaine. En effet, élu démocrate, Barack Obama doit veiller à ne pas froisser ses soutiens, dont il a besoin pour mener d’autres projets, et qui sont nombreux à être hostiles à toute hausse des effectifs militaires en Afghanistan. Et, dans le même temps, il doit être certain que la stratégie qu’il entend adopter est la meilleure possible. De plus, un récent sondage Washington Post / ABC News montre que l’opinion publique d’outre-Atlantique estime, à 52%, que la guerre en Afghanistan « ne vaut pas le coup d’être menée ». Et c’est 12% de plus par rapport à mars dernier…

« Après huit années de conflit, où nous n’avons eu ni les ressources ni la stratégie pour finir le travail, j’ai l’intention de le finir! » a lancé Barack Obama, à l’occasion d’une conférence de presse organisée le 24 novembre en compagnie du Premier ministre indien. Et justement, l’Inde détient une des clés de la sécurité de la région.

En fait, il ne faut pas voir seulement l’aspect afghan du problème. En effet, la stabilisation de l’Afghanistan vise surtout à empêcher la destabilisation du Pakistan voisin, doté de l’arme nucléaire. Or, c’est grâce à ce dernier que les taliban se sont emparés du pouvoir à Kaboul dans les années 1990 afin de disposer d’une profondeur stratégique face à l’Inde, en raison du conflit qui oppose les deux pays au sujet du Cachemire.

Seulement, si Islamabad a lancé une offensive majeure contre le mouvement taleb pakistanais, ses alliées afghans sont loin d’être inquiétés. Le calcul est simple : il s’agit de pouvoir compter sur eux et de les réinstrumentaliser en cas de besoin. Tel est notamment le cas du réseau Haqqani, localisé dans le Nord-Waziristan. Et tant que les taliban afghans pourront trouver refuge au Pakistan, la mission de l’Otan sera toujours aussi compliquée.

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