Frappe de Kunduz : Berlin reconnaît des erreurs

Le 4 septembre dernier, une frappe aérienne réalisée par un avion F15 américain au profit des troupes allemandes déployées dans la région de Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan, faisait plus de 90 tués, parmi lesquels se trouvaient une soixantaine de combattants taliban mais surtout une trentaine de civils.

Or, les recommandations du général McChrystal, le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) sont claires : il s’agit d’éviter absolument tout ce qui pourrait être assimilé de près ou de loin à des « bavures ». Juste avant sa nomination à la tête des troupes de l’Otan en Afghanistan, une frappe aérienne menée à Faraj, dans l’ouest du pays, avait fait de nombreuses victimes civiles. Cet incident avait valu le départ de son prédécesseur, le général McKiernan.

Dans le cas de Kunduz, les taliban avaient mis la main sur deux camions citernes de l’Otan, susceptibles d’être transformés en bombes roulantes lancées contre un camp de l’ISAF. Et c’est cette perspective qui a conduit un officier allemand, le colonel Georg Klein, à demander l’intervention du F15. Mais compte tenu du fait de la présence de victimes civiles en raison de cette frappe, l’ISAF a mené une enquête sur cet incident.

Et conformément à ce qu’il s’était dit à l’époque des faits, le rapport de la force de l’Otan, qui a été communiqué la semaine passée, estime que l’officier allemand a bel et bien enfreint les procédures d’engagement car il ne se trouvait au contact avec les taliban au moment où il demanda la frappe contre les deux camions citernes volés. Mais la Bundeswehr mais aussi la presse et le gouvernement allemand font bloc derrière le colonel Klein. D’ailleurs, selon l’hebdomadaire Der Spiegel, Berlin aurait fait pression sur l’Otan pour que les conclusions de l’enquête ne condamnent pas l’officier de la Bundeswehr.

Déjà, au moment des faits, la chancelière Angela Merkel avait critiqué les « jugements hâtifs » prononcés par les alliés au sujet de cette frappe. Mais c’est le Frankfurter Allgemeine Zeitung qui s’était montré parmi les plus prompts à prendre la défense du colonel Klein.

« On pourrait penser que l’officier qui avait demandé ce bombardement aurait mieux fait de ne rien faire » a souligné, la semaine dernière, le quotidien. « Seulement, qu’en aurait-il été si quelques semaines plus tard, les taliban avaient commis des attentats avec ces véhicules contre le campement allemand ou un poste de police afghan? Les alliés de Berlin auraient alors eu beau jeu de reprocher à la Bundeswehr son manque d’engagement. Au vu de toute les erreurs que cet officier aurait pu commettre, il est bien difficile aujourd’hui de critiquer sa réaction, même si malheureusement, les victimes de cette attaque de sont pas que des taliban » a plaidé le quotidien, qui, d’ailleurs, s’en était pris vigoureusement au commandant de l’ISAF au sujet de cette affaire, notamment en raison des critiques qu’il avait exprimées à l’égard de la Bundeswehr.

« On ne traite pas l’Allemagne comme ça » écrivait le Frankfurter Allgemeine Zeitung en septembre dernier. « On peut comprendre que les Américains soient déçus des revers subis en Afghanistan. Mais mettre au pilori un allié dont on attend qu’il accepte des missions de combat – et c’est ce que McChrystal a fait – serait idiot dans une situation moins critique » ajoutait le quotidien pendant que le Süddeutsche Zeitung estimait que l’officier américain s’était « discrédité en tant que commandant en chef « .

Cette fois, les propos les plus vifs tenus contre le général McChrystal ont été publiés la semaine passée par le quotidien Die Welt. « Le commandeur des troupes internationales en Afghanistan (…) a manqué de loyauté vis-à-vis de ses alliés allemands. (…) McChrystal n’a pas été loyal, qu’il rende ses étoiles » a estimé le journal.

Cependant, le nouveau ministre allemand de la Défense, le conservateur Karl-Theodor zu Guttenberg, a calmé un peu les esprits, le 6 novembre dernier, en reconnaissant l’existence de fautes commises par l’officier qui a demandé la frappe. « Même s’il n’y avait pas eu d’erreurs de procédure, le bombardement aérien aurait dû avoir lieu » a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Dans le même temps, le ministre a affirmé regretter de « tout coeur » les victimes civiles.

Photo : Soldats allemands dans le nord de l’Afghanistan (c) Bundeswehr

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