Les taliban pakistanais font plus que résister

Sur le recul depuis plusieurs mois après l’offensive de l’armée pakistanaise dans la vallée de Swat ainsi que dans les régions tribales de Bajaur et de Mohmand, les militants du Tehrek-e-Taliban Pakistan ne désarment pas, bien au contraire. Et la mort de leur chef, Baïtullah Mehsud, en août dernier, ne leur a pas porté le coup fatal qu’Islamabad espérait.

Les taliban pakistanais ont su préserver l’unité de leur mouvement en désignant rapidement un nouveau chef, en la personne d’Hakimullah Mehsud, sans doute encore plus cruel que son prédécesseur. Du coup, les attentats se succèdent. Ainsi, la semaine passée, les locaux du Programme alimentaire mondial (PAM) a été la cible d’une attaque suicide qui a fait cinq tués.

Quelques jours plus tard, Peshawar a été le théâtre d’un carnage, avec au moins 52 morts, après un attentat à la voiture piégée commis dans un quartier commercial de cette ville du nord-ouest du Pakistan. L’attaque, la même journée, d’un dépôt de camions assurant la logistique des troupes de l’Otan, releverait presque de l’anecdote.

Et dans la ville d’Alpuri, située dans la vallée de Swat, où, selon Islamabad, les taliban ont subi un grave revers, un kamikaze âgé de 13 à 14 ans, s’est fait exploser à proximité d’un convoi militaire, ce 12 octobre, lors de son passage dans un marché très fréquenté. Bilan : 35 civils et 6 soldats tués. Cette attaque suicide est donc la troisième en moins d’une semaine. Depuis plus de deux ans, les 280 attentats qui ont été perpétrés au Pakistan ont fait plus de 2.200 victimes.

Mais c’est la veille de l’attaque d’Alpuri que les taliban ont réalisé leur coup le plus audacieux en visant le grand quartier général (GHQ), c’est à dire le coeur de l’armée pakistanaise, à Rawalpindi, situé à une vingtaine de kilomètres d’Islamabad. Au moins neuf hommes armés en uniforme, à bord d’un minibus, ont réussi à pénétrer à l’intérieur du centre nerveux des forces armées en forçant deux checkpoint. Les échanges de coups de feu ont duré près de trois quart d’heure et quatre taliban ont été tués, ainsi qu’un général de brigade, un colonel et quatre autres militaires.

Mais l’affaire n’en est pas restée là puisque cinq assaillants rescapés ont par la suite réussi à s’introduire dans un bâtiment et à prendre une quarantaine de personnes en otage afin de les utiliser, selon l’armée pakistanaise, comme monnaie d’échange pour que soient libérés des militants du TTP emprisonnés.

Finalement, le chef des forces armées, le général Asfaq Kayani a ordonné de donner l’assaut contre les preneurs d’otage. Après un violent combat débuté à l’aube, l’heure est au bilan : au total, l’attaque des taliban a fait 19 morts, dont les 8 assaillants, 3 otages et 8 militaires.

L’action a été revendiquée par Azal Tariq, un porte-parole taleb. « C’est notre premier petit effort, et un cadeau aux gouvernements pakistanais et américain » a-t-il affirmé par téléphone à l’agence Associated Press. Si l’on en croit ses déclarations, les activistes qui ont mené l’attaque contre le GHQ de Rawalpindi seraient originaires de la province du Pendjab et que des ordres ont été passés pour que ceux du Balouchistan, de Sindh et de la Province de la frontière du Nord Ouest (NWFP) en fassent autant.

Mais pour le porte-parole de l’armée pakistanaise, le général Athar Abbas les assaillants du GHQ seraient venus du Sud-Waziristan, le fief du TTP où il est question de conduire prochainement une offensive de grande ampleur. D’ailleurs, l’aviation pakistanaise y a bombardé des positions tenues par les taliban, dans la soirée du 11 octobre, notamment dans les villages de Makeen et Ladha. Comme elle a aussi attaqué « différents repaires » de djihadistes dans la région de Bajaur. Au total, et sans que l’on puisse avoir la moindre confirmation, au moins 31 taliban auraient été tués lors de ces frappes.

Cela étant, l’évocation par le porte-parole taliban de l’implication d’activistes venus du Pendjab dans la prise d’otages de Rawalpindi est un mauvais signe, que renforce encore les similitudes entre le mode opératoire de l’attaque du GHQ de l’armée pakistanaise et celui qui a été suivi lors des attentats de Bombay commis en novembre 2008 et qui ont été attribuées au Lashkar-e-Taïba.

Du coup, l’hypothèse d’un embrasement du Pakistan pourrait devenir un scénario crédible, avec toutes les inquiètudes que cela peut susciter, à commencer par celles concernant la sécurité de l’arsenal nucléaire pakistanais.

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