Gros plan sur l’affaire Farewell

Après Secret Défense, sorti en décembre dernier, le cinéma français s’intéresse à nouveau au monde du renseignement. Cette fois, l’intrigue ne concerne pas le terrorisme islamiste – thème maintes fois abordé par Hollywood depuis les attaques du 11 septembre – mais un épisode réel de la guerre froide, qualifié par l’ancien président américain Ronald Reagan de « l’une des plus grandes affaires d’espionnage du XXe siécle ».

En effet, le réalisateur Christian Carion, qui s’était déjà inspiré d’un fait réel avec le film « Joyeux Noël », qui racontait la fraternisation de soldats le soir de la célébration de la Nativité du Christ en 1914, aborde l’affaire Farewell, qui privera l’Union soviétique des renseignements scientifiques et technologiques que ses espions glanaient à l’Ouest, ce qui accélérera, d’une certaine manière, sa chute car elle n’était plus en mesure de suivre la course aux armements imposée par les Etats-Unis avec leur projet de défense spatiale (IDS).

« L’affaire Farewell » revient donc sur l’histoire d’un colonel du KGB, Vladimir Vetrov (Emir Kusturica dans le film). Après avoir été affecté en France puis au Canada, ce dernier est nommé chef adjoint du département à l’information du service de renseignement soviétique, en charge du renseignement technique à l’étranger.

Ecoeuré par le système soviétique ou bien mécontent du poste de bureaucrate qui lui avait été assigné (voir les deux), Vetrov se décide à communiquer des informations à l’Ouest. Ayant été confronté à ses méthodes lors de son séjour en France dans les années 1960, l’officier du KGB entre en contact avec la Direction de la Surveillance du Territoire (DST, aujourd’hui DCRI), qui finit par le recruter au printemps 1980. Le service français lui attribue le nom de code « Farewell ».

Pris en charge par différents officiers traitant comme Xavier Ameil (Guillaume Canet), cadre de Thomson à Moscou, puis par Patrick Ferrand, attaché militaire à l’ambassade de France en URSS et par un anonyme, le colonel Vetrov va livrer une quantité impressionnante de renseignements estampillés « top secret ».

C’est d’ailleurs grâce à ces informations que le président français de l’époque, François Mitterrand, obtiendra les bonnes grâces de son homologue américain, Ronald Reagan, inquiet de l’entrée de ministres communistes au gouvernement après l’élection présidentielle de 1981. En effet, lors du sommet d’Ottawa, en juillet 1981, François Mitterrand informera, preuve à l’appui, la Maison Blanche que les Soviétiques étaient en possession de renseignements concernant la couverture radar des Etats-Unis en cas d’une attaque nucléaire.

C’est également sur la foi de noms d’agents du KGB et du GRU opérant en France transmis par « Farewell » que l’Elysée prendra la décision de renvoyer en URSS 47 « diplomates », alors en poste à Paris, après la découverte de l’interception, par les services soviétiques, des messages échangés entre le Quai d’Orsay et la l’ambassade de France à Moscou.

Au total, le colonel Vetrov a fourni près de 3.000 pages de documents sensibles et aurait livré les noms de 250 agents spécialisés dans le renseignement scientifique et industriel ainsi que ceux de 170 espions du KGB et du GRU, ce qui a contribué à faire tomber des réseaux d’espionnage ou à monter des opérations d’intoxication.

La collaboration entre Farewell et la DST va cesser brutalement. Menant une double vie, l’officier du KGB est arrêté après avoir tenté de poignarder sa maîtresse, en 1982. Mais ce n’est que plus tard que sa liaison avec les services français est découverte. Et la sanction pour cette trahison est sans pitié : le colonel Vetrov, alias « Farewell », est exécuté à la prison du KGB de Lefortnovo quelques mois plus tard.

A signaler : La sortie du film « Démineurs » de Kathryn Bigelow, dont le sujet porte sur les équipes de déminage de l’armée américaine en Irak. Selon la réalisatrice, ce long métrage « pose le problème de cette singulière attirance pour le combat » et il est « une étude sur l’héroïsme contemporain et la masculinité aujourd’hui », peut-on lire dans le Figaro, daté du 23 septembre.

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