Les aveux du général Musharraf

Considéré comme étant un allié incontournable dans la guerre menée contre le terrorisme, et qui plus est en mauvaise santé économique, le Pakistan a pu bénéficier des largesses de Washington, notamment depuis les attaques du 11 septembre 2001, à hauteur de près de 12 milliards de dollars. Théoriquement, cette somme devait aider Islamabad à lutter contre les taliban.

Sauf qu’il semblerait que cet argent a été employé à une autre fin. En mai dernier, le chef d’état-major interarmées américain, l’amiral Mike Mullen, faisait état, devant les parlementaires du Congrès, des efforts accomplis par le Pakistan pour moderniser son arsenal nucléaire. L’Institut pour la science et la sécurité internationale (ISIS) avait alors produit des documents montrant l’extension du complexe chimique de Dera Ghazi, où est enrichi l’uranium ainsi que celui de Rawalpindi, dédié à la production du plutonium.

« Une expansion des capacités de production d’armements nucléaires complique inutilement les efforts visant à sécuriser les avoirs nucléaires du Pakistan » avaient alors souligné les chercheurs de l’ISIS. Restait alors à savoir comment Islamabad avait trouvé les moyens nécessaires pour financer cette modernisation de son arsenal nucléaire qui doit lui permettre de rester dans la course avec l’Inde, son ennemi de toujours.

Cependant, rien ne permet d’étayer l’hypothèse selon laquelle l’aide américaine a été détournée au profit du programme nucléaire pakistanais. D’ailleurs, soucieux de ménager Islamabad, l’amiral Mullen s’était bien gardé d’évoquer le moindre soupçon à ce sujet.

Seulement, une partie des milliards de dollars donnés par Wahington a bel et bien été détournée. Et c’est l’ancien président pakistanais, le général Pervez Musharraf, contraint à la démission en août 2008, qui en a fait l’aveu, devant les caméras de la chaîne Express News. En fait, selon ses propos, cet argent a servi pour renforcer militairement la frontière avec l’Inde au lieu de financer la lutte contre les taliban dans les zones tribales dans l’ouest du pays, qui jouxtent l’Afghanistan, ce qui, par ailleurs, en a fait des bases de repli idéales pour les militants d’al-Qaïda

« C’était dans l’intérêt du Pakistan, voilà pourquoi j’ai agi ainsi » a justifié Pervez Musharraf. « Et je me moque bien de savoir si cela met les Etats-Unis en colère » a-t-il ajouté. Quoi qu’il en soit, les déclarations de l’ancien président pakistanais tombent plutôt mal pour le nouveau gouvernement en place à Islamabad, qui a justement besoin d’une aide financière supplémentaire de la part des Etats-Unis, actuellement en débat au Congrès, alors même que l’armée pakistanaise s’attaque aux taliban. Chose qu’elle aurait dû faire plus tôt sans la duplicité du général Musharraf.

Qui plus est, les révélations tardives de l’ancien président risquent de compliquer davantage les relations entre l’Inde et le Pakistan, dont le processus de normalisation a subi un coup d’arrêt avec les attentats de Bombay, en novembre 2008.

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