Le Kirghizstan fait machine arrière

En décembre 2001, les Etats-Unis ont ouvert une base aérienne à Manas, au Kirghizstan, afin de ravitailler la coalition internationale engagée en Afghanistan pour faire tomber le régime des taliban et stabiliser le pays. La France y dispose par ailleurs d’un contingent fort d’une trentaine de militaires qui mettent en oeuvre un Boeing C135F afin de ravitailler en vol les avions opérant sur le théâtre afghan.

La base de Manas est devenue, au fil du temps, d’autant plus essentielle pour assurer le soutien logistique des troupes engagées en Afghanistan que ces dernières vont sensiblement augmenter avec l’arrivée de renforts américains et qu’elle reste une alternative à la voie d’approvisionnement qui passe par le Pakistan, pays instable en raison de l’agitation créée par les taliban et où les convois de l’Otan sont régulièrement pris pour cible.

Seulement, la Russie n’apprécie pas cette présence occidentale dans son proche voisinage. D’où des pressions exercées par Moscou pour que le président kirghiz, Kourmanbek Bakiev prenne la décision de fermer la base américaine. Pour forcer un peu la décision, le Kirghizstan a été victime, au début de l’année, d’attaques informatiques à l’image de celles qui avaient été observées en Estonie, en 2007, et en Géorgie à l’été 2008. Et selon une société américaine basée à Atlanta, Secure Works, les pirates auraient opérés à partir de la Russie.

Mais étant donné que le Kirghizstan est un pays pauvre, la lutte d’influence s’est jouée sur le terrain économique. Pour convaincre M. Bakiev, le Kremlin a promis des aides supérieures aux retombées financières engendrées par la présence de militaires américains à Manas. Ainsi, Moscou a consenti à prêt de 2 milliards de dollars à Bichkek en février dernier. Et c’est sans compter l’investissement russe dans le secteur énergétique kirghiz ou encore l’adhésion du pays à un fonds commun de 10 milliards de dollars, alimenté à hauteur de 75% par la Russie et destiné à servir en cas de difficulté économique majeure.

C’est ainsi que, au prétexte que la situation afghane était stabilisée, le président Bakiev a fait voter, par le Parlement de son pays, la fermeture de la base américaine  en février dernier.

Mais le 22 juin dernier, l’affaire a connu un nouveau rebondissement. Le Kirghizstan a annoncé un accord passé avec les Etats-Unis pour que ces derniers puissent encore utiliser les installations de Manas. Le texte a été validé par le Parlement, ce 25 juin. Il indique que la base aérienne sera transformée en « centre de transit international » par lequel transitera du matériel non-militaire pour les forces déployées en Afghanistan.

Pour emporter la décision, les Etats-Unis ont mis de l’argent sur la table, le loyer annuel de la base étant passé de 17,4 millions à 60 millions de dollars. Au total, Bichkek devrait obtenir près de 177 millions de dollars avec le maintien des militaires américains sur son territoire, dont 30 millions pour un nouveau système de navigation aérienne, 20 millions pour le développement économiques, 21 millions pour la lutte anti-drogue et 10 autres millions pour la lutte anti-terroriste. En plus de cela, Washington a fait la promesse d’envoyer dans le pays des hauts-fonctionnaires afin de renforcer « les différentes formes de coopération entre les Etats-unis et le Kirghizstan, notamment dans le domaine des investissements, des programmes d’échanges et des projets socio-économiques ».

Cependant, le fonctionnement de ce « centre de transit » n’est pas clairement établi. Par exemple, on ignore si les citernes qui servent aux avions ravitailleurs pour les opérations aériennes en Afghanistan seront maintenues. Dans le cas contraire, cela pourrait poser un souci. Le fait que les marchandises autorisées à passer par Manas ne doivent pas être militaire ne constitue pas un problème étant donné que les Etats-Unis ont signé récemment des accords similaires avec l’Ouzbékistan et le Tadjikistan.

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